Qui a inventé la bière ?

Qui a inventé la première bière?

Comment la bière est-elle arrivée dans nos verres aujourd’hui ? La volonté de savoir s’accompagne d’un petit démêlage de l’histoire. En tout cas, depuis le développement de l’agriculture céréalière, les breuvages fermentés sont au coeur de la civilisation !

Pour marquer une festivité ou pour se rafraîchir après une longue journée, la bière est toujours la bienvenue. Avec la découverte de la culture du blé, la production de la bière est devenue possible. L’origine de la bière se trouve donc dans les céréales, le riz, l’orge et le maïs.

La première brasserie en Mésopotamie

Nos ancêtres ont découvert la fermentation au cours de la dernière période de l’âge de pierre, c’est-à-dire au néolithique. À l’origine, la bière aurait vraisemblablement été le produit accidentel d’expérimentations visant à préserver les céréales. Les glucides du grain, décomposés par la chaleur, auraient ainsi libéré un sucre que la levure aurait accidentellement transformé en une boisson à faible teneur en alcool. Les premières bières auraient très probablement eu un goût à la fois âpre et acidulée.

La théorie la plus probable est que la production de boissons fermentées pourrait avoir débuté avec la fabrication de bouillies à base de céréales, qui auraient ensuite été laissées à l’air libre et auraient naturellement fermenté en raison de la présence de levures sauvages dans l’environnement. Seloon cette théorie, la bière aurait ainsi été la suite logique, voire la conséquence directe, de la découverte du pain.

Mais l’agriculture aurait-elle été nécessaire à la production de bière? C’est la question posée par le célèbre débat de la “Bière avant le pain” par Jonathan Sauer en 1962. Le botaniste américain opinait que la céréale disponible (surtout de l’emmer et de l’épeautre) n’aurait pas fourni assez de nutriments pour justifier l’effort investi dans le pain, mais aurait en revanche créé des bières nutritives grâce à la transformation par la levure.

Contrairement à l’idée populaire, même les chasseurs-cueilleurs auraient été en mesure de créer des excédents, et ces surplus de denrées périssables, incluant certaines herbes comme les céréales, auraient nécessité une forme de manipulation pour éviter qu’ils ne périssent sous la pluie ou ne soient dévorés par les souris et les rats.

Ce débat ramène à toute l’organisation sociale que suppose la production de bière. Entreposer le grain aurait posé des défis astronomiques: menace constante des rongeurs, danger permanent de pourrissement, vol, etc.

La fermentation aurait permis de transformer le grain impropre à la pâtisserie en une bouille nutritive, évitant à la fois le gaspillage et permettant de générer des surplus. Les implications de cette théorie sont sidérantes : la bière serait ainsi l’un des premiers produits manufacturés, résultant d’une chaîne de production complexe de la matière première au consomateur. En tant que bien publique, la bière aurait été à la fois une des premières monnaies, une des premières formes de taxation, et unes des premières ressources économiques de la civilisation occidentale.

Qui a inventé la bière?

Si la thèse économique paraît si centrale (peut-être au dépends de l’argument agraire), c’est à cause de l’abondance des fouilles archéologiques en Mésopotamie sur le sujet. Grâce aux nombreux écrits que nous ont laissés les Sumériens, nous sommes capable d’inférer plusieurs informations importantes sur la bière consommée à l’époque. Rappelons-le, ce sont les Cités-États sumériennes qui nous ont laissé les plus vieilles traces écrites sur la bière.

Deux documents importants, l’Hymne de Ninkasi et le code D’Hammourabi, témoignent du rôle résolument central de la bière dans les royaumes de Sumer. Le premier texte, datant d’environ 1800 avant notre ère, rend hommage à Ninkasi, brasseuse en chef des dieux de Sumer, protectrice de la céréale et de la santé. Elle aurait été la patronne de la bière et aurait montré aux mortels comment la préparer. En vérité, l’hymne à la Ninkasi est tout à la fois un poème et une recette – et ce serait une des plus vieilles recettes de bière au monde.

Le code D’Hammourabi, écrit vers 1750 avant notre ère, est quant à lui le premier texte connu réglementant la vente et la consommation de bière. Le lecteur moderne s’étonnera de voir plusieurs paragraphes sur la bière, la valeur de l’orge et le rôle des femmes.

Résumons:

Le pain était un des mets principaux chez les Sumériens (avec les lentilles). La préparation de la bière chez les Sumériens impliquait principalement l’utilisation d’orge. Les grains d’orge étaient germés puis séchés pour produire du malt. Ce malt était ensuite concassé et mélangé avec de l’eau chaude pour créer une bouillie sucrée appelée “bappir“. Après la cuisson, cette bouillie était refroidie et laissée à fermenter dans des jarres d’argile. Les Sumériens croyaient en la présence de divinités responsables de la fermentation, ce qui conférait à la bière un caractère sacré. La bière était filtrée pour enlever les résidus solides et versée dans des récipients pour être consommée.

La bière sumérienne avait un rôle social et religieux important. Elle était consommée quotidiennement par différents membres de la société, du roi aux travailleurs. La bière était servie lors de banquets, de cérémonies religieuses et d’autres rassemblements. En tant que boisson alcoolisée, la bière avait également des propriétés de préservation, ce qui la rendait précieuse dans une société où la conservation des denrées alimentaires était cruciale. Ainsi, la bière jouait un rôle vital dans la vie quotidienne des Sumériens, tant d’un point de vue nutritionnel que culturel.

Notons que la bière était appelée « pain liquide » et que sa composition est complètement différente de celle de nos jours (on appelle encore ainsi la bière en Tchéquie!) Il s’agit ici d’un pain immergé dans de jarres d’eau afin d’obtenir une fermentation. Le liquide qui en sort est consommé uniquement avec de la paille dans des récipients céramiques. Des récipients dont les chercheurs ont découvert les premières traces de bière. Au Moyen-Orient, 3.000 ans avant J.C, des écrits affichent la recette exacte sur une tablette en argile. Les conditions de fabrication de bière sont inscrites mais sans aucune vérification scientifique.

L’Égypte: point tournant de la bière?

L’ancienne civilisation du Nord-est de l’Afrique n’a pas attendu longtemps pour faire de la bière une boisson nationale. Non seulement c’est une consommation habituelle, mais elle a également servi de moyen de paiement. La bière s’est rapidement répandue en Égypte antique avec  la production d’orge et de froment massive.  La boisson est nommée « vin d’orge » et se présente dans toutes les grandes cérémonies. 

La bière est le domaine des femmes! La communauté égyptienne laissait aux femmes la responsabilité de la fabrication de la bière. Cette production est  réservée aux Déesses car la bière est un symbole de fécondité, vraisemblablement du fait de ses vitamines et ses sels minéraux. Conservées dans des caves, les  bières y sont laissées pour mûrir. Les Chinois, qui sont aussi crédités pour une invention précoce, mais séparée, de la boisson fermentée, ont suivi le mouvement et fabriquent leur propre bière qu’ils appellent «  Tsiou ».

Qui a inventé la bière?
La plus vieille brasserie industrielle de l’histoire pourrait bien avoir été en Égypte. C’est du moins ce que suggèrent les récents travaux sur le site archéologique d’Abydos, dans le sud de l’Égypte. La brasserie, vieille de plus de 5,000, aurait pu fournir des brassées de 60,000 bières.

En Europe

En Europe, ce sont les Gaulois qui sont à l’origine de la cervoise. La tradition romaine lie par contre l’invention de la bière soit à la déesse des moissons. La plupart des élites préféraient largement le vin aux bières mais pas pour les habitants de la Gaule, ou la vigne était fort appréciée, mais moins disponible.

Avec des herbes et des épices, les Gaulois fabriquent et vendent leur bière. Foudre, tonneaux de stockage et transport sont des moyens pour eux d’avoir une meilleure rentabilité. Il est impossible de connaître la saveur de la bière antique car les peuples barbares n’ont pas transmis leur savoir-faire. On sait tout de même qu’ils utilisaient des plantes telles que le jusquiame pour infuser et conserver la bière. Le jusquiame pouvait occasionellement augmenter l’effet d’intoxication dû à ses propriétés hallucinogènes.

Les Grecs, Mésopotamiens et Scandinaves, pour ne nommer que ceux-là, reconnaissent les propriétés propriétés antalgiques de la plante et l’utilisent pour provoquer des trances divinatoires, sinon pour obtenir un état d’ivresse extatique. Mais l’utilisation du jusquiame n’est qu’un exemple parmi tant d’autres. La cervoise, tout comme son successeur médieval, le gruit, sont avant tout des boissons de céréales fermentées aromatisées avec les herbes locales.

La bière dans l’ère médiévale

Aux débuts du moyen âge, l’Église pose un taboo sur la bière. Les grands dirigeants des églises la considéraient en effet comme une boisson maléfique pouvant détruire l’homme. Toutefois, en découvrant les apports nutritionnels de la bière, les monastères sont devenus des centres de fabrication de la boisson. À cela s’ajoute le fait que les monastères avaient un devoir d’hospitalité incluant vin et pain. Mais la progression du christianisme vers les pays nordiques posait un problème logistique important: le climat ne permettait pas une culture suffisante de la vigne. Aussi fallait-il s’acclimater à la bière.

Le houblon faisait déjà partie des ingrédients les plus importants de la bière et est utilisé de façon systématique. Et c’est Hildegarde de Bingen qui convaincra sur ses bienfaits, malgré ses propres doutes sur ses effets immédiats. 

Sous l’autorité de Charlemagne, les moines avaient le privilège de diriger les brasseries grâce à leur compétence. Les bières artisanales et traditionnelles ont été valorisées. Cependant, l’utilisation de l’houblon était très marginalisée et nécessite parfois une autorisation. Dans le temps, les brasseurs avaient plutôt une préférence pour le gruit

Des moines ont ainsi pour mission de procéder à une fermentation basse de la bière et de les partager aux pauvres. Ces moines savants jouent un grand rôle dans le succès de la bière au Moyen-âge. Ils sont à l’origine des différentes innovations scientifiques en matière de bière. En raison de la saleté de l’eau (surtout dans les aglomérations) à cette époque, le vin et la bière étaient les meilleurs moyens de s’hydrater.

Par ailleurs, certains pays tels que la France et l’Allemagne se baignent dans la légende de Gambrinus. Un roi mythique et symbole de la bière.

La révolution Louis Pasteur

La bière était une boisson instable depuis tout ce temps, et ce malgré l’adoption du houblon comme antisceptique et amérisant. La contribution scientifique de Louis Pasteur a cependant marqué un grand changement dans l’histoire de la bière. Le chercheur commence à s’intéresser à la fermentation et démarre une étude. Depuis des millénaires, l’homme utilise de la fermentation pour conserver et produire des aliments. La compréhension et la maîtrise du phénomène sont en revanche bien plus récentes.

Un faisceau de fait expérimental lentement collecté permet à Pasteur de proposer une théorie en rupture avec les idées de son époque. Les fermentations sont liées au métabolisme de micro-organismes comme les levures. Il met en évidence que chaque fermentation est due à un micro-organisme. Par conséquent, il est aujourd’hui possible de conserver et de consommer la bière autre part que dans les lieux de fabrication. 

D’autre part, l’apparition des machines de fabrication permet un essor considérable de la bière telle que la machine à vapeur de James Watt. Le contrôle de la qualité fait des bons de géant grâce à l’adoption de l’hydromètre, qui permet de calculer les taux d’alcool. Les levures commencent à être isolée pour contrôler la personalité de la bière. La conservation et la distribution s’améliorent grâce à la réfrigération et à la construction de chemins de fer.

Au début du 19ème siècle, la bière était principalement produite à partir de malt d’orge et de houblon, et était brassée de manière artisanale par de petites brasseries. Au fil du temps, la production de bière est devenue de plus en plus industrielle, avec l’utilisation de techniques de brassage modernes et de nouveaux ingrédients tels que le maïs et le riz. De nouvelles techniques de filtration et de pasteurisation ont également été mises en place pour améliorer la qualité et la durée de vie de la bière. En outre, de nouveaux styles de bière ont émergé, notamment la bière blonde, brune et rousse, ainsi que de nouvelles bières aromatisées. Aujourd’hui, la bière est produite à une échelle mondiale et est consommée dans de nombreux pays à travers le monde.

Par Pierre-Olivier Bussières

Pour en Savoir plus

Lisez aussi

Comment les Anciens Sumériens brassaient leur bière

La bière en Egypte antique : un élément central de la vie quotidienne

L’évolution du marché de la bière

La bière et son histoire : de l’antiquité à nos jours !

Épisode 65 : Quel est le rôle des femmes dans l’histoire de la bière?