Prague : un guide pour les amateurs de bière

Pour ceux qui s’intéressent à l’histoire de la bière, aux techniques de brassage et aux ingrédients, il existe des pèlerinages incontournables en Europe : la vallée de la Senne, l’Oxfordshire, la Franconie… Et bien sûr, Prague, la très romantique capitale de la Tchéquie, et gardienne des plus anciennes traditions brassicoles européennes.

Remonter à la source d’une identité brassicole solidement ancrée et observer son adaptation à la nouvelle vague “Craft” : voilà le cœur d’une expérience courte mais riche.

Histoire de Pilsnen

La République tchèque est considérée comme l’un des pays clés de l’histoire culturelle de la bière, non seulement en raison de l’attachement de ses habitants à la production de bière, qui se reflète dans les 181,9 litres de bière consommés par personne et par an (la plus grande quantité par habitant au monde). C’est aussi et surtout pour la richesse de son patrimoine et pour le rôle que la bière a joué dans les transformations sociales.

Dès le Moyen Âge, la Bohême est une terre de brasseurs qui savent marier le houblon de leur région avec le malt de Moravie. En 1265, le roi Ottokar II fonde la ville de České Budějovice, également connue en allemand sous le nom de Budweis, et lui accorde des privilèges en matière de brassage. Dès lors, la bière constitue, avec les mines d’argent, le sel et la draperie, une importante source de revenus pour le pays. Il convient également de rappeler qu’à partir de cette époque, certaines villes allemandes ont perçu jusqu’à 80 % de leurs revenus sous forme de taxes sur les activités brassicoles.

Les visiteurs de Prague n’ont besoin que d’une heure et demie de train pour atteindre un autre haut lieu de la tradition brassicole tchèque : Plzeň, où le premier fût de “Pilsner” de l’histoire a été brassé le jour de la Saint-Martin en 1842. Il est important de rappeler qu’à l’époque, Plzeň avait déjà une longue histoire avec la bière, puisque le roi Wenceslas II avait accordé les droits de brassage aux habitants de la ville dès 1295. Chacun produisait alors de la bière à la maison, à sa manière, avec ses propres ingrédients, son propre matériel et ses propres techniques. Les premiers pas du brassage domestique, en quelque sorte.

Les visiteurs de Prague n’ont besoin que d’une heure et demie de train pour atteindre un autre haut lieu de la tradition brassicole tchèque : Plzeň, où le premier fût de “Pilsner” de l’histoire a été brassé le jour de la Saint-Martin en 1842.

Dès les années 1300, les archives recensent les brasseries en activité et en 1588, l’astronome et physicien Tadeáš Hájek publie le premier livre sur le brassage. Malheureusement, la guerre de Trente Ans (1618-1648) interrompt cet élan et la qualité des bières produites se dégrade progressivement au fil des décennies, aboutissant à un breuvage acide et brunâtre peu appétissant.

Les bières de Plzeň cessent d’être populaires auprès des taverniers, qui se tournent vers les productions bavaroises de bien meilleure qualité. Cela s’explique en partie par les progrès de la bière dans la Bavière voisine. La bière blonde noire, fraîche et agréable, a commencé à être exportée en Bohême, empiétant sur la bière locale. Les tonneaux de bière locale, parce qu’ils se vidaient trop lentement, s’oxydaient et devenaient dangereux, ce qui accéléra le déclin de la bière de Bohême face à la concurrence allemande.

Le contexte technique est également important. Au début du 19ème siècle, les avancées scientifiques et techniques ont heureusement permis des progrès substantiels dans la fabrication de la bière : Maltage anglais – qui ne brûle pas le grain -, utilisation systématique du thermomètre, découverte du saccharimètre, matériel en cuivre, etc.

Ces avancées ont été bien accueillies par des visionnaires tels que Gabriel Sedlmayr père et fils et Anton Dreher, qui les ont introduites dans l’Empire austro-hongrois. Ainsi, lorsqu’en février 1838, au comble de l’exaspération, les taverniers de Plzeň déversent le contenu de 36 tonneaux devant la Maison municipale en signe de protestation, le signal d’une nécessaire renaissance est donné.

Les citoyens de la ville prennent le taureau par les cornes et décident de fonder une “vraie” brasserie afin d’honorer la qualité des ingrédients locaux. Le Bavarois Joseph Groll (maître-brasseur à Vilshofen) est invité à prendre en charge la partie technique de cette ambition. C’est son savoir-faire qui est à l’origine de cette première Pilsner, dont la viralité – comme on dirait aujourd’hui – est immédiate. Les révolutions de la réfrigération et du chemin de fer ont joué un rôle essentiel dans sa diffusion à grande échelle. D’abord à Vienne, puis à Paris, la Pilsner reçoit un accueil très positif, si bien que d’autres horizons s’ouvrent rapidement à elle.

Quelles sont les meilleures brasseries pour l’amateur à Prague?

Prague compte un certain nombre de brasseries très anciennes, toutes héritières d’une tradition fière et solide. Ces établissements illustrent la diversité du paysage pragois, tant en termes d’offre de bière que d’atmosphère. Des restaurants exaltant les traditions culinaires bohémiennes aux bars branchés aux intérieurs épurés, un dénominateur commun se dégage : le soin apporté aux grands classiques locaux comme aux styles plus “exotiques” sous ces latitudes.

U Tří Růží : Une pause bienvenue entre deux visites de la vieille ville. On y vient autant pour les bières ciselées que pour les plats proposés par l’équipe du chef Martin Procházka. Le confit de canard est très bon, tout comme la Lager viennoise qui l’accompagnait. Au passage, laissez-vous tenter par leur Světlý speciál 13°, une excellente entrée. À noter : le brouepub Vojanův Dvůr, situé dans le quartier de Malá Strana, appartient à la même enseigne et propose également des bières de haut vol.

Vinohradský pivovar 

L’endroit idéal pour déguster un poulet mariné au Brandy avec vue sur les cuves. À condition de s’y rendre à des heures décalées (sous peine de ne pas trouver de place), on peut s’y installer confortablement pour siroter de fascinantes Lagers, avec une mention spéciale pour leur Jantarová 13, une Polotmavé qui disparaîtra rapidement de votre Tübinger.

Sousedský pivovar Bašta

djacent au restaurant U Bansethů, où l’auteur Jaroslav Hašek avait ses habitudes, il offre un cadre volontairement légèrement kitsch et décalé. Il y a quatre becs verseurs évolutifs, avec des excursions occasionnelles en territoire “Beer Geek”. Les références plus classiques ne déçoivent pas : leur Kroužkův Ležák 10° vaut à elle seule un voyage en tramway à travers la ville.

U Medvidku

Bien qu’il s’agisse du plus ancien restaurant de Prague, la nourriture n’est pas l’attraction principale de l’endroit. Ce qui attire l’attention, c’est l’arrière-salle, où l’on peut s’attarder tranquillement et déguster les bières de la maison. Si vous ne devez en goûter qu’une, choisissez la Oldgott Barrique.

Café Lajka

Loin des circuits touristiques, on est sûr de rencontrer des Praguois. L’accueil est très cordial, les en-cas simples mais réalisés à partir d’ingrédients issus de fermes biologiques. Un coup de cœur pour leur Světlý Výčepní, la Strelka.

Automat Matuška

Changement d’ambiance : clientèle jeune, musique entraînante, cuisine très instagrammable… Tout sent la sophistication, au détriment de l’authenticité. En revanche, les brassins n’ont rien à envier aux meilleures productions locales.

Conseils pour un voyage à Prague

Bien qu’étendue, Prague bénéficie d’un réseau de transport urbain efficace, qui permet au visiteur de se rendre rapidement d’un point d’intérêt à l’autre, qu’il s’agisse de musées ou de brouepubs. Certains “grands noms” figurent immanquablement sur la liste des choses à faire : Parmi eux, le pivovar Vinohradský, U Tří Růží ou le pivovar Sousedský Bašta.

Par coïncidence, mon séjour à Prague s’est déroulé en même temps que le Prague Beer Fest, dans les anciens abattoirs de Holešovická. Rassemblant 50 brasseries locales et internationales, il s’agit actuellement du plus grand festival tchèque et l’on y vient de loin. Dans une ambiance simple et conviviale, c’est l’occasion de déguster des brassins introuvables loin de leur région de production : Pivečka, Cobolis, Volt, Antoš…

En 1h30 de train, nous nous retrouvons à Plzeň, où le premier tonneau de “Pilsner” de l’histoire a été brassé le 1er décembre 1842. Brassée par le bavarois Joseph Groll, cette première Pilsner a bénéficié de plusieurs révolutions techniques qui ont contribué à en faire le lointain ancêtre des bières les plus consommées au monde. En franchissant l’imposante arche commémorant le 50e anniversaire de la brasserie, on est plongé dans un univers où tout célèbre l’identité “Pilsner Urquell” – ou Plzeňský Prazdroj en O.V. : du centre des visiteurs à l’usine de production moderne, en passant par les caves situées à 20 mètres sous terre, on respire la fierté de participer à 180 ans d’histoire qui ont mis la Pilsner sur la carte.

Ce bref aperçu n’est qu’un avant-goût de ce qu’il est possible de faire en quelques jours à Prague. La Bohême regorge de trésors cachés, il vous faudra donc vous aventurer dans les villages de la région pour trouver d’autres joyaux à brasser.

François Flesch est un gestionnaire de carrière spécialisé dans le conseil en transition professionnelle. Au fil de ses voyages, il a découvert le monde de la bière artisanale, plus spécifiquement lors d’un voyage à Barcelone en 2016 où il a découvert la vraie bière au Ale&Hop. Son amour pour la bière s’est développé lors de mes 6 mois passés à Montréal. Depuis, il est devenu un passionné par l’histoire des différents styles de bières ainsi que leur impact culturel et social.

Pour en savoir plus sur Prague et la Tchéquie

Dans cet épisode, on explore l’histoire de la bière tchèque avec René Guindon de l’Amère à Boire

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