Qu’est-ce que la Révolution Tranquille?

Qu’est-ce que la Révolution tranquille ? Cette période historique, qui n’est pas vraiment une révolution, marque une frontière claire dans l’histoire du Québec entre une nation dépossédée et ce qui s’apparente davantage à un peuple. Le gouvernement de Jean Lesage émerge avec force de la période de la “Grande Noirceur” de Duplessis et entraîne le Québec dans une campagne pour reprendre le contrôle de son destin sous le slogan “Maintenant ou jamais, maître chez nous”. C’est ainsi que débute une période de profonds changements, mais aussi de tumultueux bouleversements socio-économiques qui divisent le Québec.

Le Québec de l’époque

Tout commence avec Maurice Duplessis. Le Québec vit alors ce que les historiens appellent la “Grande Noirceur”. Petite exagération s’il en est, cette période correspond au règne de Maurice Duplessis, l’indétrônable premier ministre qui a passé près de 20 ans à la tête du Québec. Le “boss”, comme on le surnomme, va farouchement à l’encontre des courants libéraux de l’époque, confiant sans réserve les quelques institutions de la province à la garde jalouse de l’Église.

Duplessis, aussi connu sous le nom de ” Chef “, gouverne la province pendant près de deux décennies, avec un style autoritaire et conservateur. Son régime, souvent appelé “duplessisme”, se caractérise par un favoritisme politique flagrant, où les amis et les alliés sont récompensés, tandis que les opposants sont réprimés. Dans le clivage grandissant entre un Québec en voie d’urbanisation et une société rurale, Duplessis s’est érigé en force du côté du terroir contre la rue.

De 1936 à 1939, le boss mène la barre en tentant de lutter contre le lendemain de veille de la dépression économique et mets en oeuvre des politiques sociales relativement innovantes mais perds les élections de 1939. Il est de retour en 1944, cette fois pour quinze ans. Un régime authoritaire, rétrograde, à l’envers du reste du pays, se dessine alors. La corruption est monnaie courante. La phrase “née pour un petit pain” paraît familière. La corruption et les malversations sont à mi-chemin entre communes et banales, surtout pour obtenir des contrats publics.

Les compagnies liées au gouvernement sont dirigées par des amis ou des parents de Duplessis, et le financement politique est assuré par des pratiques douteuses. Les critiques du régime sont souvent ostracisés et censurés, tandis que les médias sont étroitement contrôlés pour promouvoir la propagande gouvernementale. Sous prétexte de lutter contre le méchant communisme, Maurice Duplessis fait arrêter des intellectuels qu’il traite de “pouettes” et de “joueurs de piéno”.

Si le boss avait la gachette facile en matière de persécution politique, c’est en partie parce qu’il était à la fois Premier ministre du Québec et… procureur général. Il pouvait ordonner la fermeture de tout local soupçonné de produire du matériel subversif. Dans le climat de paranoïa antisoviétique, les syndicats sont particulièrement visés…

L’autoritarisme du chef n’avait d’égal que son penchant pour la boisson. Selon le dictionnaire biographique du Canada:

Son goût pour l’alcool avait nui à sa performance politique, à sa réputation et à sa santé au point où certains remettaient en cause son leadership. Déjà, en septembre 1929, il avait passé dix jours à l’hôpital à la suite d’un accident de voiture à Notre-Dame-du-Bon-Conseil (il s’était endormi au volant).

DUPLESSIS, MAURICE LE NOBLET

En 1959, la bouilloire éclate. Alors que le développement économique s’accélère chez nos voisins ontariens et américains, et que les États-Unis entrent dans les années soixante, psychédéliques et inquiétantes, le Québec ressemble à un film du Parrain en noir et blanc. Les Québécois sont fatigués de la domination cléricale et du conservatisme politique. Ils aspirent à plus de modernité, de démocratie et d’égalité. Le duplessisme a provoqué un sentiment de rejet, alimentant un désir de changement profond au sein de la société québécoise. Les excès, la corruption et la stagnation économique sous Duplessis catalysent un raz-de-marée électoral en faveur de Jean Lesage.

Maître chez nous” avec Jean Lesage

Surnommé le “P’tit gars de Québec”, Lesage dirige un gouvernement libéral qui promet de moderniser la province et de briser les chaînes du passé. L’élection est placée sous le signe de l’optimisme : prenez votre destin en main, soyez vos propres maîtres, construisez quelque chose. En d’autres termes, sortez de votre cave.

L’un des événements majeurs du mandat de Lesage a été la nationalisation de l’électricité. Il s’agissait d’une décision audacieuse visant à reprendre le contrôle du secteur de l’énergie, mais elle impliquait également une expansion massive de l’État dans l’économie. Les coûts de ce projet pharaonique ont finalement pesé sur les contribuables québécois, qui se sont retrouvés avec des tarifs d’électricité en hausse et une bureaucratie gouvernementale sans précédent. On peut dire que Lesage a réussi à électrifier le Québec, mais il a aussi électrifié les factures des Québécois.

Un autre événement marquant de l’ère Lesage est la réforme de l’éducation. Le gouvernement Lesage met en place des mesures visant à promouvoir l’enseignement en français et à franciser les établissements d’enseignement. Cependant, cette politique linguistique a également conduit à une certaine fermeture aux autres cultures et langues, créant des tensions et des divisions au sein de la société québécoise. Si l’intention était louable, la manière dont elle a été mise en œuvre a parfois frisé l’intolérance.

Mettre le Québec sur la carte mondiale avec Expo 67

Et enfin, l’Expo 67. L’exposition universelle de Montréal est un événement marquant de l’ère Lesage. Si elle a contribué à faire connaître le Québec sur la scène internationale, elle a également laissé un héritage douteux. Les dépenses excessives et les retards de construction ont coûté cher aux contribuables québécois. On se souvient également de la célèbre phrase de Lesage, “le monde nous regarde”, qui résonne encore aujourd’hui, mais qui pourrait être réinterprétée comme “le monde nous regarde… dépenser sans compter”.

Jusqu’à l’Expo 67, le Québec était fermé sur lui-même, explique Sylvain Bouchard, conteur officiel de la brasserie Unibroue. “Forcément que nous étions repliés sur nous-mêmes, nous n’avions pas la liberté, nous étions en survie” Dans la foulée du slogan “Maître Chez Nous” de Jean Lesage, le maire visionnaire Jean Drapeau lance le projet de l’Exposition universelle de 67, avec ses infrastructures dignes d’une métropole moderne. Deux fois en une seule décennie, le Québec s’ouvre au monde.

Conclusion

Quel est l’héritage de la Révolution tranquille aujourd’hui ? Quelques-uns des grands noms qui ont bâti le Québec : Jean Lesage et René Lévesque. Et puis un grand méchant, le boss Maurice Duplessis. Mais à vrai dire, tous trois sont des symboles d’une époque de plus en plus lointaine. La Révolution tranquille n’était ni une révolution, ni tranquille. Et Maurice Duplessis était loin d’être le pire &?(%?&* du vingtième siècle.

Son caractère rétrograde contraste avec l’électrification, les débuts de la nationalisation (certes boiteuse) et l’amorce d’un filet de sécurité sociale. La fameuse grande noirceur, l’ombre portée du patron, existe surtout par contraste avec le reste de l’Amérique du Nord qui, dans le même temps, est en pleine accélération. En fin de compte, il s’agit d’un lent approfondissement longtemps attendu, dont la force et la vivacité ont créé l’élan du Québec moderne.

Leave a Reply