Alexandre le Grand est l’un des plus grands noms de l’histoire. Ce personnage fascine les historiens et inspire les leaders. Visionnaire, moderne, magnifique, intrépide et courageux, Alexandre est souvent considéré comme un modèle de stratégie militaire et politique. Cependant, ce dont on parle moins, c’est de l’amour d’Alexandre le Grand pour les banquets, les fêtes et le bon vin.

Dans cet article, nous allons découvrir comment la passion d’Alexandre le Grand pour les amphores a failli causer la perte de son empire ! Préparez-vous pour une nouvelle biographie plutôt alcoolisée de deux commandants en chefs légendaires : Alexandre le Grand et son père, le roi de Macédoine Philippe II.

La Macédoine, un cocktail de problèmes

D’abord, il est essentiel de préciser pour éviter toute confusion : Alexandre n’est pas Grec, il est Macédonien. Cela fait une énorme différence car les Macédoniens sont victimes depuis des siècles des moqueries des Grecs à cause de leur accent et de leurs coutumes. Entre les Grecs et les Macédoniens, ce n’est pas vraiment une histoire d’amour. Ils se ressemblent beaucoup, mais les Grecs sont prodigieusement racistes et considèrent tous ceux qui ne parlent pas le grec comme des barbares, c’est-à-dire qu’ils font « ba ba ba ».

Cependant, les Macédoniens parlent grec. Ils vénèrent les mêmes dieux, parlent la même langue et lisent les mêmes philosophes. L’un des plus grands auteurs grecs, Euripide, a même trouvé refuge en Macédoine car il ne se sentait pas suffisamment apprécié chez lui en Grèce, un peu comme mon podcast aux États-Unis.

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Alexandre le Grand et la pire beuverie de l'histoire
Alexandre le Grand et la pire beuverie de l’histoire

À l’époque de Philippe II, le père d’Alexandre le Grand, la Macédoine avait une grande admiration pour la Grèce. Les enfants de l’aristocratie étaient éduqués à la grecque et le grec était utilisé lors des réunions importantes.

Tandis que la Macédoine admirait et importait tout ce qu’il y avait de plus Grecs, les Grecs, eux n’avaient que peu de respect pour les voisins du Nord, voisins des barbares. C’est le roi de Macédoine, Philippe II, qui changera tout ça en faisant de la Macédoine un puissant royaume respectable. Mal en fera à la Grèce d’avoir jamais douté.

L’importance du vin dans la vie politique de l’Antiquité

Il est important de mentionner un point crucial : Dionysos. Ce dieu est souvent représenté avec des couronnes de laurier et ressemble à Jésus. Dionysos est le dieu de la folie, de la fertilité, de la terre et à peu près tout ce qui peut faire rougir. Il est aussi le Dieu du vin. Les Grecs, tout comme les Macédoniens, avaient cette idée étrange que lorsque vous buvez du vin, vous devenez Dionysos. En d’autres termes, en buvant du vin, vous devenez divin. Dionysos était donc le sponsor officiel des fêtes, des festivals et des banquets. En Macédoine, on prenait les banquets très au sérieux. On buvait en l’honneur de Dionysos de toutes parts et dans toutes les situations.

Chez les Grecs, le vin n’est pas simplement une boisson, c’est une identité. Il est synonyme de civilité, de bon sens et de virilité. Boire du vin sans montrer qu’on est ivre représente le summum de l’identité masculine. Ceux qui peuvent boire beaucoup sans paraître saouls sont respectés. Même l’un des philosophes les plus célèbres de l’histoire, Socrate, était réputé pour sa capacité à boire toute la nuit.

On faisait également des serments sur l’alcool. Ceux qui s’abstenaient d’en boire étaient ridiculisés, marginalisés et ne suscitaient pas la confiance. On les qualifiait de « buveurs d’eau ».

Balado complet sur le pire party d’Alexandre le Grand

Philippe II, grand buveur et grand vainqueur

Mais pourquoi évoquer la Macédoine dans ce contexte ? La Macédoine est un petit pays, faible et entouré d’ennemis, morcelé et fragmenté. Pour comprendre, il faut savoir que la Macédoine possède d’énormes avantages stratégiques : de vastes plaines fertiles, beaucoup de bois et des gisements de minerai. Juste au sud, la Grèce est principalement montagneuse, sans presque aucune forêt et très peu de minerai. Tout le monde autour de la Macédoine essaie de s’emparer de ses richesses. Comme la Macédoine est composée de petits royaumes rivaux, c’est presque toujours la guerre, exactement comme en Grèce.

Le père d’Alexandre, Philippe II, hérite de la couronne vers l’âge de vingt ans à la mort de son frère, une période difficile. Cependant, le jeune roi de Macédoine parvient rapidement à créer un véritable empire grâce à ses succès fulgurants.

Le père d’Alexandre le Grand, Phillipe II meurt à 46 ans en cédant un royaume agrandi et une armée professionnelle à son fils. Philippe II laisse un héritage mitigé : il meurt défiguré, sali dans son honneur par des beuveries constantes qui finissent mal, et jalousé par le monde Grec. Borgne, est boiteux, Philippe est l’image même d’un guerrier valeureux qui fonce tête la première. Les historiens soulignent toutefois la sophistication et la prudence de la diplomatie du grand roi.

Premièrement, Philippe change la donne en créant une armée professionnelle. Philippe est brillant. Il comprend que la Macédoine ne peut pas se permettre d’avoir des soldats bien formés armés jusqu’aux dents. Il recrute donc parmi les paysans et les fermiers et leur donne une énorme lance, appelée sarisse, d’une longueur de 5 mètres environ.

Ces soldats forment des formations compactes et avancent vers l’ennemi. Ils sont comme des tanks. Personne ne peut les arrêter. Même si la première lance est brisée, il y en a quatre autres prêtes à t’empaler dans un tourbillon de cris et d’hémorragies externes.

Deuxièmement, Philippe se consacre pleinement à la diplomatie. Grâce à des ambassades, des banquets et des prises d’otages, il parvient à réunir sous sa tente bon nombre des personnalités les plus importantes de l’époque, ce qui renforce considérablement sa légitimité aux yeux des Macédoniens et des Grecs.

Troisièmement, Philippe II utilise la diplomacie du mariage : les mariages. Philippe épouse au moins sept femmes, ce qui ne doit pas surprendre, car la polygamie est monnaie courante dans sa famille. L’objectif est de créer des alliances avec des régions éloignées, d’anciens ennemis et des commanditaires potentiels pour ses guerres.

La diplomatie du banquet

L’une de ces femmes se nomme Olympias. Il semble que Philippe II ait sincèrement aimé Olympias, mais que les choses soient tournées au vinaigre quand il a commencé à s’engager avec d’autres femmes. À la naissance d’Alexandre, leur relation est empoisonnée. Ils se détestent profondément et Olympias commence à craindre pour sa vie. En tant qu’étrangère, elle n’est pas appréciée par les Macédoniens. On pense qu’elle a des pouvoirs magiques.

Dionysos et son thiase (525 - 500 av. J.C.) Département Antiquités grecques du Louvre - François Lissarrague
Dionysos et son thiase (525 – 500 av. J.C.) Département Antiquités grecques du Louvre – François Lissarrague

Elle appartient à une société secrète en tant que prétresse d’Orphée, un culte à Dionysos. Olympias charme aussi des serpents et se promène souvent avec un ou deux serpents enguirlandés autour d’elle. Elle dort même avec des serpents dans sa couche royale. La situation se détériore pour Philippe car il a une phobie des serpents. Un jour, en entrant dans la chambre, il voit Olympias avec un serpent dans son lit, ce qui le fait littéralement perdre la tête.

Cependant, il est essentiel de noter qu’Olympias est une femme puissante, intelligente et bien connectée. Son atout le plus précieux est son fils, Alexandre.

Le père d’Alexandre est un alcoolique fonctionnel avec des centaines d’ennemis qui veulent sa mort. Philippe 2 est un mère absente qui est au mieux indifférent, et au pire extrêmement sévère. Sa mère, Olympias est paranoiaque et voit des complots contre elle un peu partout et essaie de tourner Alexandre contre son père. Elle lui dit qu’il est le fils de Jupiter, le plus important des dieux. Dès son enfance, Alexandre a des ambitions de grandeur immense, des attentes parentales impossible à réaliser, et il se retrouve coincé entre ses deux parents qui se méprisent.

Un conquérant saoulé par des rêves de grandeur

Le professeur John Maxwell O’Brien, de Queen’s College, City University, New York, a conclu qu’Alexandre se tournait fréquemment vers la bouteille pour diluer son sentiment d’infériorité et son anxiété. C’est le seul historien que j’ai trouvé qui parle d’Alexandre comme étant alcoolique : les auteurs classiques tendent à vouloir défendre Alexandre le Grand en disant qu’il n’y a pas de preuve définitive. Par contre, il faut donner à César ce qui revient à César. C’est qu’en Macédoine, tout le monde boit du vin, et surtout lors des banquets de Pella, la capitale.

Après la chasse et l’entraînement, le banquet est une véritable institution. Ça n’est pas à un 5 à 7 comme chez nous, pauvres modernes. Un banquet à proprement parler peut durer trois jours. C’est un concours d’éloquence, une fête importante pour le moral, une sorte de carnaval où on se permet de dire ce qu’on ne dirait pas autrement, ET c’est aussi une beuverie. Être ivre n’est pas seulement permis, c’est même encouragé. En fait, le problème aux yeux de cette bande de machos, ce n’est pas tant d’être en état d’ébriété que d’avoir l’air saoul.

Boire est une question d’honneur. Les Grecs, qui se pensent meilleurs que tout le monde, se moquent souvent des Macédoniens en disant qu’ils boivent leur vin non dilué. Ils les considèrent comme des Barbares. Et d’après les biographes d’Alexandre, il semble qu’en effet, les Macédoniens boivent souvent leur vin sans le mélanger avec de l’eau.

Et ça peut poser un problème. Le professeur d’études classiques Carl A.P. Ruck aux États-Unis pense que les Grecs mettaient des drogues hallucinogènes puissantes dans leur vin, y compris de la belladone, du jusquiame, du datura et de la mandragore. Gardez ça en tête car cela pourrait expliquer les fêtes dont nous allons parler…

Quand Alexandre le Grand se fait bannir durant un banquet bien arrosé

Un événement potentiellement très important survient quand Philippe épouse un général du nom d’Attalus. Le soir des noces, Philippe 2 organise un banquet. Olympias est furieuse, mais Philippe 2 s’en moque parce que c’est lui le chef. Donc, on organise un banquet et on boit comme des porcs.

On fait des toasts à n’en plus finir. Alexandre aussi trinque et a quelques verres dans le nez. Soudain, le général Attalus prend la parole, prononce un grand discours et dit : « Enfin, la Macédoine va avoir un vrai prince macédonien né d’une vraie Macédonienne. » Alexandre se lève, lance son verre à la tête d’Attalus et lui dit : « Tu insinues que je suis un bâtard ? »

Tout le monde commence à s’insulter et une bagarre est évitée de justesse. Mais Philippe 2 n’est pas content. Malgré l’ivresse, ça n’est pas le courage qui manque à ce fier chef d’hommes. Il se hisse sur un divan et demande à son fils de se mêler de ses affaires. C’est le début de la guerre entre le père et le fils. Alexandre est presque exilé. Philippe 2 ne veut plus jamais revoir son fils. Bien sûr, des négociations discrètes ont lieu immédiatement pour le retour du prince, mais à partir de ce moment-là, la relation entre le père et le fils sera glaciale pendant tout le règne du vieillissant roi de Macédoine.

Lors d’une autre soirée bien arrosée, Philippe est assassiné. Alexandre est proclamé roi et se tourne enfin vers l’ennemi le plus redoutable de l’époque, Darius, le roi des Perses. Alexandre rêve de gloire depuis son plus jeune âge et le voici maintenant à la tête d’une armée de 50 000 hommes pour attaquer le plus vaste empire de l’époque : la Perse.

L’incendie de Persépolis: à qui la faute?

Après trois assauts fulgurants contre les troupes perses de Darius III, Alexandre le Grand pénètre enfin dans la capitale des Perses : Persépolis. C’est une ville incroyablement riche au milieu du désert, construite uniquement pour abriter le roi des rois. C’est grandiose, magnifique et glorieux. L’entrée d’Alexandre est triomphale, et en prime, il découvre dans la ville le plus gigantesque trésor de l’époque, équivalent à environ cent tonnes d’argent pur, soit 120 000 talents d’argent, des sortes de lingots de 28 kilos d’argent pur.

Mais cela, c’est le point de vue d’Alexandre. Du point de vue de la population, les choses se passent beaucoup moins bien… Après avoir empêché ses troupes de piller les villes fortifiées de Gaza et Tyr, Alexandre leur accorde cette fois-ci le droit de piller sans restriction pendant une journée entière. Pour la population, c’est l’horreur totale : pillages, viols collectifs, meurtres gratuits. Ce n’est pas un bon jour pour Persépolis.

Incendie de Perspépolis, George Antoine Rochegrosse, 1890
Incendie de Perspépolis, George Antoine Rochegrosse, 1890

Un peu comme son père Philippe, Alexandre aime organiser des banquets somptueux pendant les campagnes militaires. Alors on sort les amphores de vin et on commence à faire la fête. À un moment donné, l’une des courtisanes grecques qui suivait l’armée commence à s’échauffer et parle de brûler Persepolis. Les Perses avaient brûlé Athènes, la ville la plus importante de la Grèce, donc elle dit : « Ce ne serait pas beau de venger Athènes en brûlant Persepolis ? » Selon Plutarque, le roi Alexandre aurait répondu : « OK, let’s do it », et il aurait descendu dans les rues de Persepolis en mettant le feu à tout.

Cependant, il y a un petit bémol. Des historiens sérieux, contrairement à moi, pensent plutôt que la destruction de Persepolis était préméditée. Alexandre considérait la ville comme le symbole suprême de l’ennemi de la Grèce, et en tant que héros grec vengeur, il aurait voulu détruire la capitale pour montrer une fois pour toutes que la Perse était finie.

Ce sur quoi tout le monde s’entend, c’est qu’Alexandre et son armée, ils se fichent éperdument de Persepolis. La ville est en plein désert, elle ne sert à rien et ils ne savent pas quoi en faire. Il y a déjà une capitale économique en Perse, c’est Babylone, et ils l’ont déjà. Donc mettre le feu à Persepolis n’est pas une grosse perte.

Le commencement de la fin pour l’empire d’Alexandre

Le gros des batailles est fini. La Perse est vaincue, il y a de la fatigue dans les camps. Les soldats veulent retourner chez eux. Il y a de la grogne dans la tente des Macédoniens. Et ce n’est pas juste à cause de la durée de la campagne. C’est qu’Alexandre a changé. Il a pris des femmes étrangères, il a sympathisé avec les Perses et surtout, il a adopté les habitudes locales.

Je vais citer Adrian Goldsworthy : « Nombre d’aristocrates macédoniens étaient très mal à l’aise devant la façon dont Alexandre adoptait la tenue asiatique, le harem, les eunuques et le cérémonial de la cour de Perse. Ils lui en voulaient d’avoir nommé d’anciens ennemis à des postes importants et honorifiques. »

On peut comparer la transformation d’Alexandre le Grand un peu comme celle de Walter White dans Breaking Bad. Le jeune homme autrefois aimé de ses pairs devient de plus en plus tyrannique, enivré par le succès et intoxiqué par la gloire.

Au fur et à mesure qu’Alexandre s’enfonce dans la vaste Asie (insérez les guillemets), il sombre de plus en plus dans la paranoïa. Il y a de plus en plus de querelles avec ses camarades, et il semble que sa consommation d’alcool devienne de plus en plus excessive. O’Brien dit que dans les dernières années de sa vie, Alexandre devient de plus en plus paranoïaque et imprévisible. Alexandre avait déjà un tempérament excessif et impatient.

Là, il devient mégalomane, méchant et imprévisible. Je vais citer Adrian Goldsworthy : « Chaque fois qu’il en avait l’occasion, Alexandre organisait l’un de ces banquets très arrosés dont son père et lui étaient si friands, comme dans l’aristocratie macédonienne en général. Or, les occasions se présentaient beaucoup plus fréquemment pendant les périodes d’accalmie entre deux campagnes, accentuant la différence entre ces rares intervalles et la normalité, à savoir la marche, le combat et les tueries. »

Une dispute fatale avec le compagnon d’Alexandre le Grand

Une soirée un peu trop arrosée va finir de façon tragique quand Alexandre transperce de part en part l’un de ses généraux nommé Cléitos. Cléitos était l’un des officiers les plus proches et fidèles d’Alexandre, souvent désigné sous le surnom de Cléitos le Noir en raison de sa peau foncée.

L’incident a eu lieu lors d’un banquet à Samarcande, en Sogdiane (actuel Ouzbékistan). Alexandre et ses généraux célébraient leurs victoires récentes dans la région. L’atmosphère était festive et l’alcool coulait à flots. Au cours de la soirée, les hommes ont commencé à discuter des accomplissements d’Alexandre et de l’importance de son commandement.

Au fur et à mesure que la conversation progressait, Cléitos a critiqué certaines des décisions d’Alexandre, notamment sa tendance à adopter des coutumes perses, ce qui avait été mal vu par certains Macédoniens.

La discussion a rapidement dégénéré en dispute violente. Cléitos a accusé Alexandre de favoriser les Perses aux dépens de ses compatriotes macédoniens. En retour, Alexandre, enivré et irrité par les critiques, aurait lancé un javelot à Cléitos. Le javelot l’a mortellement blessé, le tuant sur le coup.

Selon différentes sources historiques, Alexandre a immédiatement regretté son geste et aurait été profondément attristé par la mort de son ami proche. Il aurait été inconsolable après cet acte impulsif et aurait regretté sa décision pendant le reste de sa vie. Certains récits suggèrent même qu’Alexandre aurait voulu se suicider à la suite de cet incident, mais ses hommes l’en ont empêché.

La pire beuverie de l’histoire : des funérailles qui virent très mal

Cependant, l’histoire la plus choquante est celle des funérailles de son ami Calanus, un sage indien qui accompagnait l’armée depuis deux ans. C’est peut-être l’un des personnages les moins connus de l’entourage d’Alexandre, mais des sources directes nous rapportent qu’il était assez important pour Alexandre pour y dédider une grande fête.

À ce stade, le roi Alexandre et ses troupes sont partis à la conquête de terriroitres dans le Nord-Est de l’Inde et on bouille d’impatience de revenu à la maison, mais Alexandre a d’autres priorités. Alexandre le Grand organise un concours « pour déterminer celui qui peut boire la plus grande quantité de vin non mélangé ». D’après Chares of Mytilene, 35 personnes sont mortes avant minuit, et six autres à cause de diverses complications dans les jours suivants.

Charles André Van Loro, La victoire d'Alexandre sur Poros
Charles André Van Loro, La victoire d’Alexandre sur Poros

Le vainqueur lui-même n’a pas survécu plus de quatre jours après l’événement. Promachos, qui a bu une impressionnante quantité de 13 litres de vin, reçu le prix. Il s’agissait de vin macédonien, ce qui signifie que c’était un alcool fort. Pour ses efforts, Promachos a reçu le prix, puis il est décédé trois jours plus tard, également d’une intoxication alcoolique. Cela signifie que peut-être tous les concurrents du festival de boisson aux funérailles de Calanus sont morts.

Un soir de juin, après avoir bu une amphore entière de vin pur, le soi-disant « calice d’Héraclès » (plus de 5 litres de vin pur), Alexandre souffrit de fortes douleurs au dos. Une douleur aiguë, comme si une lance l’avait transpercé, suivie de nausées. Peu de temps après, se sentant mieux, il recommença à boire. Après une journée de repos forcé et un bain d’eau froide pour mieux supporter la fièvre qui s’était entre-temps emparée de lui, Alexandre assista à un symposium chez les Médiques et se saoula dans l’essai d’apaiser sa soif infernale.

Dans les jours suivants, avec une température de plus en plus élevée, il tenta d’accomplir ses devoirs royaux, mais le 24 du mois de Desio (dans le calendrier macédonien, cela correspond environ au 9 juin), son état s’aggrava et il fut alité. Le jour suivant, il perdit d’abord la capacité de parler, puis sa conscience, jusqu’au 28 de Desio, et finalement décéda dans la soirée.

La mort d’Alexandre le Grand a déclenché des réactions typiques pour la perte d’une célébrité. Les gens pleuraient et se rasaient la tête, tandis que les admirateurs les plus dévoués se laissaient mourir de faim, enfin selon les sources qui nous sont parvenues, et qui sont toutes susceptibles d’exagérer l’événement pour des raisons politiques.

Alexandre, un général brillant, un leader avisé et parfois magnanime envers ses sujets et ses ennemis, était une superstar du Monde Antique. Cependant, sa vie rapide et tumultueuse était assombrie par l’autodestruction, une triste réalité partagée par de nombreuses célébrités à travers l’histoire. Le monde disait ainsi adieu à Alexandre le Grand, une icône de l’Antiquité marquée par sa nature autodestructrice. La mort d’Alexandre laisse derrière un vaste héritage de culture héllénique en ponctuant l’Asie centrale de cités grècques, mais mets aussi immédiatement en branle plusieurs querre de conquête pour reconquérir les vastes territoires accumulés par le royaume de Macédoine. Alex a largement agrandi le rayonnement de la civilisation grèque tout en semant la zizanie pour les enfants.

Mort d’Alexandre le grand : la cuite qui fait exploser le foie

Je m’explique : Alexandre le Grand n’a pas pris de biblique goute qui fait déborder le vase. Non, ce conquérant insatiable s’est plutôt effondré après des excès répétés, en pleine fièvre impériale, au terme d’une série de banquets bien arrosés dans le palais de Babylone. Ce personnage hors norme, déjà affaibli par des années de campagne à travers l’Asie, continuait de célébrer comme si la force de sa jeunesse était intacte. Mais elle ne l’était plus.

Selon Plutarque, lors de sa dernière beuverie en l’an 323 av. J.-C., Alexandre aurait été frappé d’un cri soudain, comme transpercé de l’intérieur après avoir bu une coupe dédiée à Héraclès. Il entre alors dans un état de torpeur et de douleurs croissantes. Quinte-Curce parle d’une fièvre persistante, peut-être due à une infection ou à un foie ravagé. Arrian, quant à lui, plus sobre dans ses récits, note que les jours précédant sa mort, le roi s’affaiblit rapidement, incapable de parler, laissant ses officiers dans l’angoisse et l’attente.

Death of Alexander the Great, Karl Theodor von Piloty, 1885
La mort d’Alexandre le Grand, Karl Theodor von Piloty, 1885

Certains historiens modernes y voient les signes d’une hépatite aiguë ou d’une pancréatite provoquée par l’alcool. D’autres évoquent un empoisonnement, mais l’hypothèse semble peu probable étant donné la lenteur de son agonie : plus de dix jours de déclin progressif, entre fièvre, délire et mutisme. Une chute lente, presque théâtrale, à l’image de ses ambitions.

Ce qui rend sa fin encore plus dramatique, c’est qu’elle survient alors qu’Alexandre préparait son retour à l’ouest, rêvant d’une nouvelle conquête, peut-être vers Carthage ou l’Italie. Il n’aura jamais franchi ce nouveau seuil. Le roi des rois, celui qui avait traversé la Perse et foulé l’Indus, meurt non pas sur un champ de bataille, mais au fond de son lit, vidé par les excès. Une fin moins glorieuse, certes — mais tristement humaine.

Contexte : La différence entre le vin macédonien et le vin Grec

Dans la civilisation grecque classique, le vin est une affaire de mesure, de rituel et de distinction. À Athènes ou dans n’importe quelle cité-État civilisée, on suit un modèle bien rodé : on boit le vin dilué, presque sacralisé, souvent à trois parts d’eau pour une de vin. L’idée n’est pas de perdre la tête, mais de stimuler l’esprit. Trop boire, c’est se comporter comme un barbare — ou pire, comme un Macédonien.

Car oui, les Macédoniens, eux, faisaient les choses autrement. Sous le règne de Philippe II, puis de son fils, le roi Alexandre, on boit souvent le vin pur, parfois tiède, parfois en grande quantité, parfois en pleine réunion militaire. Là où les Grecs voyaient la modération comme une vertu politique, les Macédoniens associaient la consommation à la virilité, à la camaraderie… et à l’intimidation. Boire beaucoup, c’était dominer. Refuser une coupe, c’était suspect.

Diodore de Sicile rapporte que lors de certains banquets royaux, il n’était pas rare que les généraux soient mis à l’épreuve en public par leur capacité à encaisser le vin sans chanceler. Athénée de Naucratis, quant à lui, critique avec ironie les habitudes macédoniennes, y voyant une forme de décadence incompatible avec l’idéale modération grecque.

On est vers 330 avant J.-C., et déjà, ces deux mondes — la cité-modèle du logos et la cour macédonienne du chaos ivre — cohabitent dans un même empire, mais ne parlent pas tout à fait le même langage du vin. L’un trinque avec élégance, l’autre vide la coupe d’un seul trait.

Qui était Héphestion : ce bras droit du roi de Macédoine?

On a déjà parlé de l’entourage des rois de Macédoine. Il est commun d’avoir sa propre clique de personnages influents qui jouent tour à tour les rôles de conseillers, ministres, ambassadeurs et amis proches. Ce sont aussi des compagnons d’armes qui se tiennent les coudes bien collés durant la bataille. Mais Héphestion n’est pas juste un compagnon d’armes, c’est le compagnon.

Ami d’enfance qui suivra Alexandre pendant toute sa vie jusqu’à sa mort, il connaîtra malgré tout une fin tragique durant les conquêtes d’Asie. Aurait-il été l’amant du roi de Macédoine? Beaucoup le laissent entendre du fait que les deux acolytes sont pratiquement inséparables. Néanmoins, les sources sont nombreuses et on reconnaît aujourd’hui qu’Alexandre jouait au moins dans les deux équipes!

Le personnage d'Hectésion est superbement joué par Jared Leto dans le film Alexandre de Oliver Stone
Le personnage d’Hectésion est superbement joué par Jared Leto dans le film Alexandre de Oliver Stone

Comme tout bon reflet de son meilleur ami, Héphestion participe activement aux excès de cour. Les banquets sont longs, l’alcool coule à flots, les flatteries aussi. Et Héphestion, parfois, perd pied. On le sait impulsif, orgueilleux, parfois cruel — mais c’est dans les verres trop pleins que ce tempérament-là devient un problème. Il insulte des ambassadeurs, rabaisse des généraux, provoque des disputes. Il devient un homme que même le roi peine à défendre. Mais il est aussi celui que le roi pleure comme un frère.

Car la fin d’Héphestion est aussi brutale que symbolique : une maladie foudroyante (ou peut-être un mélange fatal d’alcool et de médicaments) l’emporte en pleine gloire. Alexandre, inconsolable, fait interdire la musique, crucifier les médecins, et lance un deuil qui ressemble plus à une punition collective. Le bras droit d’Alexandre est tombé, et avec lui une partie de l’empereur. Héphestion n’a pas seulement vacillé — il a laissé son roi ivre de douleur, sans complice, sans miroir. Le monde grec n’était pas prêt pour autant de bromance. La biographie du moraliste Plutarque laisse clairement entendre que le roi Alexandre avait une vie sous les draps très diversifié, mais les historiens modernes nous mettent en garde contre le fait d’appliquer une définition moderne de l’homosexualité à l’éducation grècque, beaucoup plus fluide.

Démystifier le symposium : comment les soirées d’élites grècques se passaient vraiment

Les cités grecques sont souvent rivales et la plupart du temps indépendantes, mais elles partagent un certain nombre de pratique qui font encore échos bien après la mort d’Alexandre le Grand. Sans faire un long sommaire professoral, disons que chaque cité grècque – à peu près – a son théâtre, sa place publique et une ou deux tavernes réservées aux hommes pour boire. On y consomme alors que du vin. Mais derrière tout ça se cache une autre institution discrète et pourtant très connue : le symposium.

Le symposium est un mélange de conférence, de « open mik », de compétition pour le leadership et de soirées entre amis. Il s’agit d’une soirée dans une pièce spécialement aménagée à cet effet appelé Andron (étyhomolgiquement, c’est l’équivalent de dire la place pour les hommes) par des personnages d’influence, souvent des lettrés, et qui consiste à boire des quantités méticuleusement contrôlée de vin (dilué bien sûr) versée par une sorte de directeur des libations nommés symposiarque. C’est un rôle à la fois très respectable et comique. Si cet acte de service est considéré comme un honneur, la tâche peut aussi se révéler assez ingrante quand les participants perdent le contrôle. En effet, le commandant en chef des libations est en cherche non pas de rappeler à l’ordre les gens qui boivent trop, mais aussi ceux qui ne boivent pas assez. Car dans cet établissement très fin, tout le monde doit s’intoxiquer au même rythme.

Mais à quoi bon, vous allez me dire? Eh bien parce que le but de tout ça c’était d’ouvrir les canaux del a créativité pour se lancer dans de grandes déclamations, chants, poèmes et discours de tout genre pour …impressionner la galerie.

Les symposiums sont à ce point influents dans la Grèce ancienne qu’elles servent carrément de trame narrative à un des livres les plus connus du monde (en tout cas en Occident): Le Banquet de Platon. Dans ce dialogue philosophique, Socrate et une brochette d’intellectuels et de poètes — ivres à divers degrés — dissertent tour à tour sur l’amour, entre deux hoquets. On y découvre que le vin n’est pas un simple lubrifiant social, mais un vecteur d’accès au vrai, au beau, à l’inspiré. Bien sûr, tout cela peut aussi très vite basculer dans le burlesque, surtout quand Alcibiade débarque complètement saoul pour déclarer sa flamme à Socrate.

À lire sur la vie d’Alexandre le Grand

  1. Adrian Goldsworthy (2023) Alexandre et Philippe, Perrin
  2. Bosworth, A. B. (1988). Conquest and Empire: The Reign of Alexander the Great. Cambridge University Press
  3. Hammond, N. G. L. (1980). Alexander the Great: King, Commander, and Statesman. Bristol Classical Press
  4. Green, P. (2013). Alexander of Macedon, 356-323 B.C.: A Historical Biography. University of California Press
  5. Worthington, I. (2004). Alexander the Great: Man and God. Pearson Education
  6. Stoneman, R. (1991). Alexander the Great: A Life in Legend. Yale University Press
  7. Wheeler, M. (2008). Alexander the Great: The Invisible Enemy – A Biography. Routledge
  8. Waldemar, H. (2004). Alexander the Great: The Story of an Ancient Life. Routledge.
  9. Billows, R. A. (2008). Alexander the Great in Fact and Fiction. Oxford University Press
  10. Carney, E. D. (2010). Olympias: Mother of Alexander the Great. Routledge.
  11. Austin, M. (2009). The Hellenistic World from Alexander to the Roman Conquest: A Selection of Ancient Sources in Translation. Cambridge University Press.
  12. Simon Denison (1992) Was Alexander the Great an Alcoholic?, The Independent
  13. DI Che Ci Bo (2020) The Fatal Drunkedness of Alexander the Great, Di Che Ci Bo,

Pierre-Olivier Bussières est l’auteur du podcast Le Temps d’une Bière, producteur de Hoppy History et rédacteur en chef du média Le Temps d’une Bière. Il détient un diplôme d’études supérieures en sciences politiques de l’Université Carleton.

À lire sur l’histoire de l’alcool et des drogues

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