La Bière et la Seconde Guerre Mondiale

Seconde Guerre Mondiale Bière

Au temps de la Seconde Guerre Mondiale, l’alcool était ni plus ni moins qu’une denrée stratégique. Partout ou il y a des armées, un déluge d’alcool s’en suit. Le conflit le plus meurtrier de l’histoire avait autant, sinon plus, besoin du précieux ravitaillement liquide qu’on appela jadis le cadeau des dieux. Dans les ténèbres des bunkers et dans le cauchemar des tranchées, la ration de rum ou de vodka illuminait le front d’un buzz éphémère. Le temps d’une bière, soldats et conscrits de tous âges prenaient leur répit d’une vie ballotée par la tragédie et l’horreur.

De tous temps l’alcool a alimenté les conflits et abreuvé ses participants, faute d’une eau potable à traîner. Mais si une guerre a bel et bien été marquée par l’alcool et les drogues, c’est bien la Seconde Guerre Mondiale. La diplomatie, la vie dans la tranchées, la navigation en haute mer, et la vie civile loin du front, tout est copieusement imbibé de différents alcools.

Les Anglais ont leur ration de rhum sur terre comme en mer. Les marines américains ont leur bière 3.2% fabriquées par les grandes brasseries allemandes alors même qu’ils combattent l’Allemagne nazie. Hitler a criminalisé l’alcoolisme et ordonne la stérilisation des ivrognes. De l’autre côté de la Manche, Churchill défends corps et âme le droit des engagés à boire. Certains murmures que l’alcool a fait bien plus de dégât à l’Angleterre que l’Allemagne. Plus à l’Est, la vodka fournit quelque courage liquide à l’Armée rouge pillonnée par la puissante machine de guerre allemande. Staline, dans le confort de sa dacha, fait boire à l’excès tous ces proches collaborateurs, une autre façon de surveiller des adversaires potentiels. Aux États-Unis, la Seconde Guerre Mondiale suit de très près la fin de la prohibition : aussi toutes les petites victoires sont célébrées à grand déluge d’alcool. Le Président Roosevelt, lui, est friant de martini, un drink qu’il prépare religieusement selon un rituel quasi chirurgical.

Boire une bière entre les deux guerres

La Première Guerre Mondiale a créé bien des lendemais de veille et la bière est loin d’être au banc des accusés. Conflit international sans précédent, la Grande Guerre crée une génération d’éclopés, de désabusés et de cyniques. Quatre empires s’effondrent suite à l’armistice : le gigantesque empire russe, le chevrotant empire ottoman, le complexe empire austro-hongrois et finalement le bref empire allemand. Toute l’Europe est à refaire. L’Allemagne est la grande méchante, et les pénalités imposées visent à la laisser complètement aplatie.

En même temps, un quasi-retour à la norme avec la fin de la guerre veut aussi dire la fête, l’espoir en un monde meilleur, la recherche d’un salut autrement. Si en Europe on voit (en tout cas en France) les années folles des cabarets et des grandes soirées, l’Amérique est occupée à soigner d’autres blessures. Un mouvement social sans précédent s’élève, aussi improbable que puissant.

C’est le mouvement chrétien de la tempérance, un puissant réseau dédié à l’abolition de la taverne. Bientôt, le mouvement se consolide autour du lobby anti-saloon, mené par l’infatiguable Wayne Wheeler. Les États-Unis gorgent dans le whiskey et le rhum depuis trop longtemps. Partout, l’abus d’alcool accompagne l’occupation ouvrière. On voit des femmes battues par milliers. Les jeunes hommes dans la vingtaine qui perdent leur salaire mensuel en une seule beuverie sont des clichés. Quelques lois limitent les débits d’alcool, mais elles ne sont pas appliquées.

Les brasseries industrielles ont les mains dans la politique. Comme dira un patron d’industrie : il faut s’assurer de donner de la bière gratuitement aux enfants. Ces quelques dollars en vaudront des centaines. Tout est fait pour soûler l’Amérique. Aussi, après des années de lutte, les États-Unis votent la prohibition sur à peu près tous les alcools sauf les cidres maisons et le vin de messe.

Mais l’essai est un fiasco. La prohibition n’a pas les moyens de mettre en oeuvre ce gigantesque projet de surveillance. Pire, un régime de contrebande soutterain se développe. Les bandes criminelles deviennent de véritables réseaux internationaux. L’alcool de bois crée des empoisonnements partout à travers le pays. Plus de 60% de la police de Chicago se fait graisser la patte par la mafia. C’est un échec cuisant.

Après 33 ans, la prohibition est abolie. On permet la production de bière avec un maximum de 3.2% d’alcool. Le président américain, Franklin Roosevelt, a fait un pacte avec les brasseries: 15% des inventaires des brasseries américaines doivent aller à l’Armée américaine. Ainsi, quand les États-Unis entrent en guerre, les troupes sont ravitaillées par une lager américaine pintable et fiable. Ironiquement, les grandes brasseries américaines sont des Pabsts, Anheuser Busch et Miller : toutes des brasseries d’origine allemandes. Hier encore, ces noms étaient tabous. Pourtant dans la lutte contre Hitler, la Lager bavaroise est devenue une arme patriotique, car elle supporte les troupes.

Balado complet : la bière au temps de la Seconde Guerre Mondiale

Une Allemagne en lendemain de veille

Après la capitulation de la France, Adolph Hitler, chef incontesté de l’Allemagne nazie, se fâche en voyant que les soldats allemands s’imbibent de champagne. Le fûrher n’aime ni la boisson ni la cigarette. Il aurait été accro étant plus jeune. Obsédé par l’ordre, il voit les ivrognes comme une peste sociale qu’il faut éliminer. Par décret, l’ivresse deviendra un crime. On ordonne la stérilisation des alcooliques. Plus de 8,000 hommes et femmes seront ainsi privé d’héritage biologique. Comme dans tous les pays, la céréale, et donc nécessairement la bière, est rationnée. Mais ça n’est pas l’envie qui manque.

La France : entre vin et bière

durant les débuts de la guerre, on mobilise plus de 3500 camions pour faire la livraison quotidienne de plus de 900,000 bouteilles de vin aux soldats du front. C’est un effort colossal. Le vin est l’aliment de la guerre, encore plus vital, peut-être, que le pain ou le fromage. C’est une vieille tradition. Le vin a la même importance que le drapeau. C’est aussi l’âme de la France.

Mais ça n’est pas l’avis du maréchal Pétain. Celui qui a signé la capitulation de la France est un vétéran de la Première Guerre Mondiale. Devant le blitzkrieg allemand, Pétain ne voit pas d’issue malgré la puissance des tanks français (jamais mobilisés). Après la défaite, il blâme le vin. Oui, le vin qui ramollit le corps et l’esprit.

C’est à cause du vin que la France a perdu, laisse-t-il entendre. à la tête du régime collaborateur de Vichy, Pétain tente vainement de limiter la consommation de vin par la loi. Il fait interdire la vente de vin aux moins de 14 ans. Qu’est-ce que ça change au cours de la guerre ? Absolument rien. Pétain, héro d’hier, est universellement honni. En plus de collaborer, il aurait été coupable de se rendre trop tôt, sans comprendre la puissance cachée de la France, pourtant remarquablement équippée contre l’Allemagne.

La Russie entre vodka et stalinisme

La vodka est depuis longtemps l’allié du soldat dans la Russie impériale. Nulle part ailleurs la définition de courage liquide n’a été si bien appliquée. C’est que l’Armée russe est connue comme un rouleau compresseur. Historiquement, les chefs d’armée russe ont misé sur le nombre comme palliatif à tous les manquements de ravitaillement, de pièce et de formations. Ce qui faisait des soldats russes ni plus ni moins que de la chair à canon. Sous cet angle, on comprend facilement pourquoi les autorités soviétiques, au plus fort de la Seconde Guerre Mondiale, rationnaient la vokda à 100 grammes par jour.

Seconde Guerre Mondiale

Le 22 août 1941, le décret du Comité d’État de Défense numéro 562 prévoyait la distribution quotidienne de vodka à 40 pour cent d’alcool parmi les soldats de première ligne (qui étaient en contact direct avec l’ennemi) à hauteur de 100 grammes (millilitres) par personne.

L’ébriété sur le front devient rapidement un problème : les soldats russes couvrent des distances incroyables avec peu d’équipement et sont soumis à des stress intenses, sans parler des atrocités qu’ils comettent au jour le jour. Devant l’impitoyable armée rouge, les Allemands auraient volontairement laisser leurs réserves d’alcool derrière eux en se disant qu’un soldat russe ivre serait moins dangereux au combat.

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