Le Bock est un style de bière traditionnel allemand, connu pour sa richesse maltée, sa douceur, son taux d’alcool modéré à élevé, et sa fermentation basse. À la fois réconfortante et complexe, elle se décline en plusieurs sous-styles, chacun avec ses spécificités. À travers son histoire et son évolution, lw Bock est devenue une figure incontournable des bières de garde allemandes.
Origines et Histoire du Style
Le style Bock trouve ses origines dans la ville d’Einbeck, en Basse-Saxe, au nord de l’Allemagne. Dès le XIVe siècle, Einbeck était célèbre pour ses bières fortes de fermentation haute, exportées dans tout le Saint-Empire romain germanique.
Les citoyens de la ville d’Einbeck avaient le droit de brasser leurs propres bières. De ce fait, ils faisaient eux-mêmes leur malt en étalant les grains dans des combles (entre-toits) où ils séchaient naturellement. Ce type de malt donnait une couleur jaune voilée à ces bières qui sont les ancêtres des Maibock.
Au cours du XIVe et XVe siècles, sa popularité grimpe lorsque Martin Luther, fondateur du protestantisme, en fait sa bière de prédilection et, à mesure que son mouvement religieux prend de l’ampleur, ce style de bière gagne en notoriété.
Quand la bière d’Einbeck arrive en Bavière au XVIIe siècle, elle séduit la cour de Munich. Par contre la facture s’avère rapidement très élevée. Déplacer autant de bière du nord au sud de l’Allemagne est très coûteux, doublant le prix de la bière. Le duc Guillaume de Bavière décide donc de mettre la main à la pâte en fondante une brasserie à Munich qui brassera la fameuse bière. Habitués à la fermentation basse (lager), les brasseurs de la nouvelle institution adaptent la recette à leur méthode et se mettent à fermenter cette bière à froid.

Le nom « Einbeck » se transforme avec l’accent bavarois en « Oan Bock », qui signifie aussi… « un bouc » en allemand, donnant au style son nom et son emblème animalier que l’on retrouve fréquemment sur les étiquettes.
À partir de là, le style évolue vers ce qu’on connaît aujourd’hui : une lager forte, maltée, fermentée à froid, et brassée surtout pour les saisons froides et les fêtes religieuses (notamment le Carême, période pendant laquelle les moines la consommaient comme « pain liquide »).
Évolution des sous-styles de bocks
Au fil des siècles, plusieurs sous-styles de Bock ont vu le jour. Voici les principales variantes :
1. Traditional Bock (ou Dunkler Bock, Urbock, Einbecker)
- Couleur : ambrée à brune foncée
- Alcool : 6,3–7,2 %
- Corps : Moyen à plein
- Profil : Malté dominant, caramel, pain grillé, noisette, très peu d’amertume
- Exemples :
- Alchimiste Microbrasserie, Bock de Joliette, 6.1 % alc./vol.
2. Heller Bock (ou Maibock)
- Couleur : dorée à cuivrée claire
- Alcool: 6,3–7,5 %
- Profil : plus sec et houblonné que les Bocks brunes, mais reste maltée ; souvent brassée pour le printemps (Mai)
- Exemples :
- Microbrasserie La Bilboquet, Heller bock, 7 % alc./vol.
- Silo Microbrasserie, Maibock, 7 % alc./vol.
- Les Trois Mousquetaires, Maibock, 6.8 % alc./vol.
- 5e Baron Microbrasserie, Elias, 6.3 % alc./vol.

3. Doppelbock
- Couleur : de cuivrée foncée à brun profond
- Alcool : 7–10 %
- Profil : très riche, malté, parfois chocolaté ou fruité ; les noms se terminent souvent en -ator (ex : Salvator, Celebrator) car c’est la bière que l’on boit en période de carême. Salvator voulant dire ‘’de Salut’’ ou salvatrice, cette bière se veut un pain liquide nutritif pour les moines en période de jeûnes ne pouvant pas consommer d’aliments solides.
- Exemples :
- Les Trois Mousquetaires, Doppelbock, 8.6 % alc./vol.
- Archibald, Doppelbock Scotch, 9.7 % alc./vol.
- Brasserie Milles Iles, Doppelbock Old Fashioned, 9 % alc./vol.
4. Eisbock
- Couleur : brun foncé à noir
- Alcool : 9–14 % (voire plus)
- Profil : extrêmement concentré, résultat d’une congélation partielle pendant la période de maturation qui enlève l’eau pour ne garder que l’alcool et le goût ; puissant, liquoreux, intense
- Exemples :
- Microbrasserie La Bilboquet, Eisbock, 11.5 % alc./vol.
- Maltstrom Microbrasserie, Eisbock, 10.5 % alc./vol.
- Le Malbord Microbrasserie, La Gueule de requin, 11.0 % alc./vol.
Pour les amateurs qui veulent prendre leurs papilles gustatives bien loin des sentiers battus cet hiver, essayez la Eisbock de Maltstrom. La bière est congelée (voir photo ci-dessous) après un an de fermentation en barrique. La brasserie sort traditionellement la bière pendant quelques jours au plus froid de l’hiver, quand la température tombe en bas de -25.

5. Weizenbock
- Variante hybride (voir article précédent), issue d’un croisement entre une bière de blé et une Doppelbock
- Exemples :
- Silo Microbrasserie, Grande Allée, 6.8 % alc./vol.
- Microbrasserie Grande Allée, Weizenbock, 8 % alc./vol.

6. Festbock
Comme son nom l’indique, la festbock est généralement brassée pour des occasions spéciales, telles que l’Oktoberfest ou d’autres festivals de la bière.
- Couleur : Ambrée à brun foncée
- Alcool : entre 6.3 % et 7.5 % alc./vol.
- Profil : Malté, rond, légèrement sucré, parfois toasté ou caramélisé. L’amerture est faible à modérée.
- Exemple :
- L’apothicaire en collab avec Maltstrom, Festbock, 6.6 % alc./vol.

Ingrédients Typiques du bock
Malt :
- Pilsner (pour les Heller Bocks)
- Munich, Vienna (base maltée riche)
- Caramels, malts grillés légers pour les versions foncées
Houblon :
- Souvent des houblons nobles allemands : Hallertau, Tettnang, Spalt, Perle
- Dosage modéré, surtout dans les Maibocks où on sent un peu plus d’amertume
Levure :
- Levure lager (fermentation basse), propre et neutre
- Fermentation entre 8–12°C, suivie d’une longue lagerisation à froid
Eau :
- Modérément minéralisée selon les régions, adaptée au profil malté
Comment brasse-t-on le style bock ?
Il est important de savoir que les flaveurs maltées typiques à ce style proviennent des composés de mélanoïdines. Ces composés sont couramment présents dans les aliments qui ont subi une forme quelconque de brunissement non enzymatique, tels que les malts d’orge. Ils contribuent aux reflets rubis des bières.
La mélanoïdine se développe principalement pendant le maltage des grains qui cristallise légèrement les sucres mais également par les processus de brassage des bocks. La décoction et la période d’ébullition prolongée augmentent la concentration de mélanoïdine, ce qui a pour effet d’accentuer la couleur. Par contre, ce composé s’oxyde facilement ce qui fait des bocks des bières capricieuses quant à leurs conditions de conservation.
- Empâtage par paliers, parfois en décoction (surtout en Allemagne traditionnelle), pour développer un profil malté riche
- Ébullition prolongée pour renforcer la caramélisation naturelle
Fermentation :
- Fermentation basse (8–12°C) pendant 1 à 2 semaines
- Garde à froid (lagerisation) pendant plusieurs semaines (voire mois), pour une clarté et une rondeur parfaite
Conditionnement :
- Mise en bouteille ou fût après une lagerisation prolongée
- Carbonatation naturelle ou forcée selon les brasseries
La Bock est un style de bière profondément ancré dans l’histoire brassicole allemande, qui a su évoluer en de multiples déclinaisons tout en conservant son identité : celle d’une bière forte, maltée, chaleureuse et réconfortante. Qu’elle soit brune, blonde, glacée ou encore brassée avec du blé, la Bock est une ode à la tradition et à la complexité du malt. Une bière à redécouvrir, surtout lorsque les jours raccourcissent et que les températures chutent.
Comprendre les différents styles de Bock
Arômes : Pain, céréales.
Urbock (fermentation basse)
La Bock originale. Elle provient de la ville d’Einbeck, d’où son nom originalement fermentée à température ambiante, elle est progressivement devenue une bière fermentée à température basse et de couleur blonde. C’est un brasseur de Munich qui décida de reproduire ce style de bière et ainsi en faire une bière d’exception réservée aux grandes occasions ou à l’élite locale.
Weizenbock (fermentation haute)
Semblables aux Bock, les Weizenbock sont brassées avec de l’orge et du blé (Weizen) maltés. Elles sont de fermentation haute. Elles offrent un corps légèrement malté et trouble. La levure utilisée offre des saveurs de banane et de clou de girofle. La densité primitive du moût est bien supérieure à celle d’une Weizen.

Winterbock, Weihnachtsbock et Dunkelbock (fermentation basse)
Variantes de Bock brunes brassées en hiver, à l’occasion de Noël, qui peuvent ressembler aux bières de Noël belges, sans les épices ajoutées. Elles sont bues uniquement dans des occasions particulières.
Fastenbock, Doppelbock (fermentation basse)
Basée sur le Bock, la Doppelbock est plus alcoolisée et plus ronde, car la densité primitive du moût est supérieure. La bière est peu amère. Certaines brasseries proposent également une Doppelweizenbock, plus maltée que la Weizenbock mais ayant le même profil de saveurs. On en trouve beaucoup dans l’État de Bavière. Ce sont des bières saisonnières basées sur un Bock et brassées pendant la période de carême, devenant ainsi du pain liquide.
Eisbock (fermentation haute ou basse)
On raconte qu’un tonneau de Bock oublié à l’extérieur d’une brasserie de Haute-Franconie pendant l’hiver a créé ce style de bière. L’eau ayant gelé sous l’effet de la température, l’Eisbock était beaucoup plus concentrée en alcool et plus ronde.
Maibock, Frühlingsbock ou Hellesbock (fermentation basse)
C’est le Bock la plus légère et souvent brassée pour les saisons du printemps et de l’été. Elle est un peu le contre-courant de la Bock sur le plan de la consommation, mais est toujours brassée dans le but d’être uniquement disponible à des périodes limitées.
| Sous-style | Couleur | Alc. vol. (%) | Profil gustatif |
|---|---|---|---|
| Traditional Bock (Dunkler Bock, Urbock, Einbecker) | Ambrée à brun foncé | 6,3 – 7,2 % | Malté dominant, caramel, pain grillé, noisette, très peu d’amertume |
| HellesBock, Hellerbock, Maibock, Frühlingsbock | Dorée à cuivrée claire | 6,3 – 7,5 % | Malt doux, toasté, finale plus sèche, amertume modérée (plus houblonné que ses comparses) |
| Winterbock, Weihnachtsbock et Dunkelbock | Brune à brune foncée | Alcool 6,5 – 7,5 % | malté, réconfortant avec notes hivernales |
| Doppelbock, Fastenbock | Cuivrée foncée à brune | 7 – 10 % | Très malté, caramel, toffee, parfois chocolat ou fruit noir, chaleur alcoolique |
| Eisbock | Brun foncé à noir | 9 – 14 %+ | Riche, concentré, liquoreux, arômes de prune, raisin sec, caramel, chaleur intense |
| Weizenbock | Ambrée à foncée (ou claire) | 6,5 – 9 % | Arômes fruités (banane, figue), épices (clou de girofle), doux et crémeux. La seule de sa famille à être issue d’une fermentation haute. |

Caroline Avoine couvre le domaine de la bière pour l’équipe de GMPQ sous le nom de plume de Bière-Cialiste. Elle brasse à la maison depuis plusieurs années et écrit notamment pour Bières et Plaisirs.








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