Tout savoir sur les brettanomyces

Understanding the Difference between Brettanomyces and Traditional Beer Yeast

Avant-propos : Jocelyn Bernier-Lachance est un brasseur amateur fort d’une dizaine d’années d’expérience. C’est aussi un microbiologiste de formation ayant déjà travaillé pour la compagnie Lallemand, la Brasserie artisanale Gallicus ainsi que La Chope à Malt/Beer Grains.

Elles sont de plus en plus populaires dans les microbrasseries du Québec et d’ailleurs au pays : les levures sauvages. Quand on pense aux levures sauvages, il nous vient tout de suite l’image d’une bière vieillie en barrique aux arômes dits « funky». Elles sont méconnues et pourtant, c’est à elles que l’on doit les premières boissons fermentées! La levure à bière moderne est le fruit de décennies d’expérience afin de sélectionner certaines propriétés, en éliminer d’autres et obtenir des résultats plus constants.

Les espèces de levures sauvages les plus connues appartiennent au genre Brettanomyces. Son nom signifie champignon britannique.1 C’est N. Hjelte Claussen de la brasserie New Carlsberg à Copenhague qui fit sa découverte en 1904.2 Il découvrit que des bières fortes de style anglais subissaient une seconde fermentation provoquée par cette levure.2 Les Brettanomyces sont aussi associées au genre Dekkera.1 Sans entre dans le détail de sa génétique, retenons seulement qu’il s’agit en fait de la même levure.

Écoutez les épisodes 23 et 18 pour en apprendre plus sur la levure!

Qu’est-ce qui différencie les Brettanomyces de Sacharromyces cerevisiae, la levure à bière traditionnelle? D’abord et avant tout: sa capacité à digérer les sucres.1 C’est la présence de certaines enzymes (alpha-glucosidase) qui permet au Brettanomyces de dégrader des sucres plus complexes.1 Ainsi, les Brettanomyces sont capables de digérer des sucres très complexes que la levure traditionnelle ne peut pas.1 Grâce à leur voracité, les bières fermentées par des levures sauvages peuvent atteindre une gravité finale proche de 1.000, voire même en dessous. D’ailleurs, la gravité finale d’une bière fermentée avec des levures traditionnelles descend rarement en bas de 1.005.

Côté goût, on peut aller chercher une palette d’arômes très variée selon l’espèce de Brettanomyces que l’on choisit. Même au sein de la même espèce, il peut y avoir énormément de variation. 1,3 Comme pour l’être humain, les levures évoluent en mélangeant leurs matériel génétique entre elles. Par contre, au fil du temps, l’être humain a suffisamment mis de pression sur Saccharomyces cerevisiae pour lui faire perdre la capacité de mélanger son matériel génétique avec les autres espèces.2 Résultat : Saccharomyces cerevisiae ne perd pas ses propriétés désirables et n’en acquiert pas de nouvelles en se multipliant.2 De manière générale, Brettanomyces claussenii donnent des arômes plus fruitées rappelant celle de l’ananas alors que Brettanomyces lambicus donnent des arômes plus « funky» (étable, foin, cuir, etc.)3 Prenez le temps de lire la description de la levure que vous voulez utiliser pour ne pas avoir de mauvaise surprise!  

La façon d’utiliser la brettanomyces influencera aussi grandement les arômes qu’elle produira.1 En fermentation primaire, faites bien attenton à l’oxygène. Les Brettanomyces produisent de l’acide acétique (du vinaigre) en présence d’oxygène, ce qui n’apporte pas nécessairement un bon goût à la bière.1 C’est pourquoi les brasseurs ont tendance à démarrer la fermentation avec une levure traditionnelle et ensuite y ajouter une ou des souches de Brettanomyces et des bactéries lactiques. Ainsi, les Brettanomyces n’ont pas accès à l’oxygène, mais plutôt à deux éléments essentiels pour la production de leurs arômes : l’alcool et des composés acides.1 Ces deux éléments servent à la production d’ester aux arômes fruités.1 Mais attention, une bière trop acide peut aussi inciter les Brettanomyces à produire des arômes désagréables (ex. nettoyant à vernis à ongles).1 De plus, la mort des cellules de levure traditionnelle présente dans la lie relâche aussi des composés bénéfiques à la production d’ester par les Brettanomyces.1 Les arômes plus « funky» proviennent de phénols produits par les Brettanomyces.1

En résumé, prenez le temps d’évaluer votre méthode de brassage ainsi que votre choix de ferments avant de vous lancer, car ils auront un impact important sur le résultat final.

Au plaisir, 

Jocelyn Bernier-Lachance M.Sc., Mcb.A. 

Sources :

  1. Tonsmeire, M., American Sour Beer: Innovative Techniques for Mixed Fermentations, Brewers publications, Boulder, Colorado, United States, 2014.
  2. White, C. and Zainasheff, J.,  Yeast: The Practical Guide to Beer Fermentation, Brewers publications, Boulder, Colorado, United States, 2010.
  3. https://www.whitelabs.com/search-result?keywords=Brettanomyces 

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