Ah, la joue de porc… Ce petit morceau discret que l’on trouve sur la tête de l’animal, souvent négligé au profit des côtes et du filet mignon. Et pourtant, ceux qui ont eu la sagesse (ou la gourmandise) de s’y intéresser savent qu’il s’agit d’une véritable pépite culinaire. Longtemps boudée, souvent reléguée aux plats de triperie, la joue de porc a su faire son chemin jusqu’aux tables des fins gourmets.
Une histoire mijotée au fil du temps
Les premières traces écrites de recettes similaires à la joue de porc à la bière remontent aux manuscrits culinaires médiévaux du XIVe siècle, notamment dans « Le Viandier » de Guillaume Tirel (dit Taillevent), cuisinier des rois de France Charles V et Charles VI. Bien que la recette exacte n’y figure pas sous ce nom, on y trouve des préparations de viandes mijotées dans des brassins.
La combinaison spécifique de joues de porc et de bière apparaît plus clairement dans les livres de cuisine flamands et belges du XVIIe siècle. Le « Koocboec » de Antonius Magirus (1612) mentionne une préparation de « wangetjes » (petites joues) mijotées dans de la bière brune.
Historiquement, la joue de porc faisait partie des morceaux dits « pauvres » que l’on réservait aux cuisines populaires. À l’époque, on ne gaspillait rien, et surtout pas une viande aussi savoureuse. Dans les campagnes, elle mijotait lentement sur le coin du feu, imprégnant les chaumières d’effluves alléchants. C’était un plat de patience, un mets qui transformait un morceau coriace en un véritable nuage de tendreté.
C’est dans les régions brassicoles d’Europe, notamment en Belgique, dans le Nord de la France et en Alsace, que l’idée lumineuse d’associer la joue de porc à la bière est née. Non seulement la bière était abondante et bon marché, mais elle apportait en plus une profondeur aromatique et aidait à attendrir la viande grâce à son acidité naturelle. Aujourd’hui encore, ce mariage continue de régaler les papilles des amateurs de plats mijotés.
Pourquoi la bière et pas autre chose ?
Excellente question ! Après tout, on aurait pu choisir du vin, du cidre ou un simple bouillon. Mais soyons honnêtes : la bière a ce petit je-ne-sais-quoi qui transforme une sauce en chef-d’œuvre. Grâce à ses notes maltées, caramélisées, et parfois même légèrement épicées, elle sublime la chair du porc sans l’écraser. Mieux encore, son amertume délicate équilibre la richesse du plat, évitant que la sauce ne devienne trop lourde.
Les meilleures bières pour la cuisson
- Bière brune : Ronde et gourmande, elle apporte des notes de caramel et de pain grillé qui se marient à merveille avec la viande.
- Bière ambrée : Un bon compromis entre douceur et caractère, parfaite pour une sauce équilibrée.
- Bière de garde : Typique du Nord de la France, elle possède une complexité qui enrichit le plat sans en dominer les saveurs.
Celles à éviter (ou alors à vos risques et périls !)
IPAs et bières très houblonnées : L’amertume excessive pourrait totalement déséquilibrer le plat. Bière acide (lambic, gueuze, sour ale) : Trop agressive pour ce type de cuisson.
Bière trop légère (pils classique, lager fade) : Elle ne laissera aucune trace de saveur dans la sauce.
Le secret d’une cuisson parfaite
La joue de porc est un muscle qui travaille dur (c’est qu’il faut bien mâcher pour savourer tous ces glands et céréales !). Résultat ? Une viande ferme, mais incroyablement riche en collagène. Ce collagène, lorsqu’il est cuit lentement, se transforme en gélatine, donnant cette texture fondante et moelleuse qui fait le bonheur des amateurs de plats mijotés.
Avant même de penser à la cuisson, une bonne marinade peut faire toute la différence. Les marinades permettent non seulement d’imprégner la viande de saveurs, mais aussi de l’attendrir en agissant sur ses fibres musculaires.
Les types de marinades efficaces pour les joues de porc :
- Marinade acide : À base de bière, de vinaigre ou de jus de citron. Elle aide à détendre les fibres de la viande et renforce la tendreté.
- Marinade enzymatique : Avec des ingrédients comme le kiwi, l’ananas ou la papaye, qui contiennent des enzymes décomposant les protéines.
- Marinade épicée et aromatique : À base d’herbes, d’ail, de gingembre et de poivre, pour infuser des arômes plus complexes.
Astuce de chef : Une marinade sous vide accélère le processus en forçant la pénétration des liquides dans la viande.

Les étapes incontournables
- Saisir les joues dans un peu de matière grasse pour bien les colorer et enfermer les sucs.
- Déglacer avec la bière, histoire de récupérer toutes les saveurs caramélisées du fond de la cocotte.
- Ajouter des aromates et des légumes : carottes, oignons, ail, thym, laurier… voire un soupçon de pain d’épices pour les audacieux !
- Laisser mijoter à feu doux pendant au moins 5 heures. Plus c’est long, plus c’est bon.
- Rduire la sauce en fin de cuisson pour une concentration maximale des arômes.
Les variantes régionales : quand la joue voyage à travers la France
Chaque région a sa petite touche personnelle lorsqu’il s’agit d’accommoder les joues de porc à la bière. Petit tour de France des interprétations :
Nord de la France & Belgique : Carbonnade flamande revisitée avec des joues de porc, de la bière brune et du pain d’épices.
Normandie : Version plus douce avec du cidre et des pommes, idéale pour ceux qui aiment les saveurs fruitées.
Alsace : Cuisson à la bière ambrée avec lardons et spaetzles en accompagnement.
Bretagne : Variante rustique avec du chou et des galettes de sarrasin.
Modernité : Association avec des épices (badiane, cannelle) ou une touche d’agrume pour un twist original.
Accords mets & bières : que boire avec des joues de porc à la bière ?
Si vous avez cuisiné avec une bière, autant accompagner votre plat avec un breuvage qui le mettra en valeur. Voici quelques suggestions :
Bière brune : pour prolonger les arômes caramélisés et gourmands du plat.
Bière ambrée : un bon compromis, avec des notes légèrement grillées et une belle rondeur.
Bière d’abbaye : fruitée et épicée, elle sublimera chaque bouchée.
Option vin : Un Côtes-du-Rhône, un Pinot Noir ou un vin du Jura feront parfaitement l’affaire grâce à leur structure et leur acidité rafraîchissante.
En conclusion : un plat mijoté à adopter d’urgence
La joue de porc à la bière, c’est bien plus qu’un simple plat mijoté. C’est une recette qui raconte une histoire, celle de la cuisine populaire, des repas conviviaux, du temps qu’on prend pour bien faire les choses. Elle incarne ce retour aux valeurs simples, où chaque ingrédient a son importance et où la patience est récompensée par un goût incomparable.
Si vous n’avez jamais goûté à ce chef-d’œuvre culinaire, il est grand temps d’y remédier. Sortez votre plus belle cocotte, choisissez une bonne bière, et laissez la magie opérer. Vous verrez, votre patience sera amplement récompensée.
Alors, à vos fourneaux, et surtout… santé !
Réf :
La recette du chef : Joues de porcs confites à la bière et pain d’épice
Ingrédients (pour 4 personnes)
- 800 g de joue de porc
- 2 oignons
- 2 carottes
- 1 bouquet garni
- 1 L de bière
- 30 g de beurre
- 1 c. à soupe d’huile végétale
- 1 c. à café de cassonade
- 1 c. à soupe de farine
- 4 tranches de pain d’épices
- Sel et poivre du moulin
Préparation de la recette
- Préchauffer le four à 90 °C
- 2 heures avant mettre à mariner les joues de porcs dans la moitié de la bière
- Laissez à température ambiante à couvert
- Égoutter la viande
- Peler puis émincer les oignons et les carottes, réserver.
- Dans une cocotte, faire fondre le beurre et l’huile, ajouter les joues de porc et faire colorer sur toutes les faces.
- Ajouter les oignons et les carottes, faire suer et mélanger puis ajouter la cassonade.
- Saler et poivrer puis ajouter la farine, mélanger à nouveau.
- Déglacer en ajoutant la totalité de la bière.
- Ajouter le pain d’épices, et le bouquet garni
- Couvrir et laisser mijoter 1 h 30.
- À l’issue de la cuisson, vérifier si la viande est cuite, elle doit être tendre et s’effilocher sans résistance.
- Réserver la viande de côté
- Passer la sauce au chinois et faire réduire si nécessaire
- Rectifier l’assaisonnement
- Remettre les morceaux de viande dans la sauce et laisser mijoter à feu très doux 12 minutes
- Servir

Hervé Mina: Hervé est chef pour la compagnie de traiteur Eldora, en Suisse. Avec plus de 15 ans d’expérience comme chef, il a dirigé plusieurs établissements culinaires en Angleterre et en Suisse. Hervé est aussi passionné par les origines des grandes recettes du monde.



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