Histoire : les routes du Québec

Routes du Québec Histoire d'un Nord

Les voitures sont une formidable invention de la fin du 19e siècle. Les routes du Québec ont été créées par elles et pour elle, redessinant complètement la carte des échanges dans la province. Derrière cette machine, on trouve soudain des rapprochements entre les villes, des nouvelles possibilités de marchés, des régions soundainement moins éloignée, etc. Mais comment s’est donc passé la transition vers le char?

Les premières automobiles

Il fallait être audacieux pour concevoir une carriole sans cheval ! Aux alentours de 1904, on considère qu’il y a assez d’automobiles à Montréal pour envisager une forme d’enregistrement officiel de celles-ci. Il y a cette année-là 45 véhicules à moteur sillonnant les rues de la métropole québécoise.

À l’époque, il faut être riche et surtout téméraire pour acquérir un tel engin. Oui, on considère la chose comme une machine. Quelle n’est pas l’incrédulité des passants de voir un char sans chevaux se promener dans les rues en émettant un son étrange et une drôle d’odeur. La nouvelle invention, bien que peu répandue, fera assez d’adeptes pour qu’une loi du gouvernement provincial les encadre dès 1906.

Les Routes du Québec
Première automobile à Montréal, photo tirée de la Collection Centre d’histoire de Montréal Fonds Dandurand, https://www.histoirecanada.ca/consulter/entreprises-et-industrie/premiere-automobile-dans-les-rues-de-montreal

Conducteurs de Montréal, assemblez-vous!

Mais à l’époque, il n’y a pas d’infrastructure très adaptée pour leur permettre de circuler. Tout est à inventer ! Il faut savoir bricoler pour la réparer, chercher le précieux carburant peu distribué, savoir s’orienter sur des chemins de terre peu propices à l’utilisation de l’automobile. Subir des crevaisons, briser les essieux et le différentiel de la transmission de la voiture font malheureusement partie des compagnons de route des premiers conducteurs.

Ceux-ci se regroupent donc en associations de propriétaires automobiles, un genre de CAA avant le temps. Pour 10$ par année au début des années 1910, on offre le dépannage sur 40 kilomètres, des rabais chez les marchands et des guides routiers entre autres. Mais de tels clubs sont aussi de puissants lobbies pour réclamer un code de la route, une signalisation uniforme à la grandeur de la province et le plus important : des véritables routes adaptées aux premières voitures.

Les routes du Québec
Les routes du Québec –

Quand 1920 arrive, le gouvernement québécois de Lomer Gouin entend les doléances des propriétaires de « machines » de plus en plus nombreux (plus de 100 000 voitures immatriculées en 1926 au Québec) et il crée un ministère de la voirie et le réseau des « Routes Nationales ». Retenons deux cas bien précis : la Route 8 et la Route 11, passant toutes les deux dans la région des Laurentides.

Les routes de Montréal

La Route 11 est assez célèbre, car elle dessert la région touristique des Hautes-Laurentides, le paradis du ski. La Route 8, elle relie Laval à Hull. De notre point de vue de 2023, on ne peut imaginer que ces routes étaient l’équivalent de nos autoroutes modernes. En 1926, il faut plusieurs heures, voire deux jours, pour aller de Montréal à Mont-Laurier.

La route emprunte tous les villages dans lesquels on peut rouler sur du « macadam » : un genre de mélange de goudron et de gravier. Les voitures n’ont pas une grande autonomie : il faut se ravitailler souvent en carburant. Le conducteur doit aussi vérifier l’état mécanique de sa machine, se reposer et manger, ce qu’il peut faire à l’hôtel dans un centre-ville. Le train, jadis le moyen de transport par excellence dans la région avec la fameuse ligne du « P’tit Train du Nord » se voit de plus en plus menacé par la voiture.

L’automobile a deux avantages majeurs : ni rails, ni horaire. C’est la liberté ! Ce discours est déjà présent dans les années 1920. Le train conserve un certain temps l’exclusivité d’opérer en saison hivernale. Mais les automobilistes souhaitent rouler à l’année. L’Île Jésus (aujourd’hui Laval) servira de terrain d’essai pour le gouvernement québécois en matière de routes. À l’hiver 1928-29, on déneige la portion lavalloise de la Route 11, qui correspond aujourd’hui au boulevard des Laurentides et au boulevard Sainte-Rose.

L’arrivée des automobiles bouleverse tranquillement la vie au quotidien. Maintenant qu’il y a des chars sans cheval, il faut de l’asphalte, des signes, des permis, des taxes. Le Québec se retrouve devant une puissance machine et un réseau de transport en pleine mutation.

Les Laurentides comme exemple

Le succès est tel que les années subséquentes, on déneige de plus en plus au nord dans les Laurentides. En 1940, on ouvre la route à l’hiver jusqu’à Mont-Tremblant. Imaginez ! Le train est donc de plus en plus dépassé par l’automobile, avec l’asphaltage des routes et l’emploi de béton pour les paver. Entre 1945 et 1960, l’automobile est reine. La plupart des ménages vont s’en offrir une pour la première fois et souhaitent s’en servir !

Les routes sont améliorées pour accommoder de plus en plus de voitures. Pour vous donner une idée, on peut regarder la Route 8 à Saint-Eustache. De nos jours, il s’agit de la 148. En 1949, on construit un pont en béton plus large pour accéder à Saint-Eustache. Le Boulevard Arthur-Sauvé est ouvert cette année-là et il contourne le vieux Saint-Eustache. Ainsi, les voitures gagnent du précieux temps en roulant plus vite et plus loin !

La célèbre route 8 passe directement à côté de la Cabane à Sucre Constantin. C’est la porte d’entrée de la clientèle. Aujourd’hui forte de 82 ans, l’entreprise familiale Constantin s’est diversifiée tout en respectant la tradition ! La cabane à sucre est aussi une magnifique salle de réception spécialisée en mariages.

Un magasin ayant pignon sur rue sur le boulevard Arthur-Sauvé, l’ancienne Route 8 propose un vaste inventaire de produits faits sur place selon des méthodes artisanales et traditionnelles. En 2020, on y a greffé une microbrasserie : la Route 8. Michaël Constantin souhaitait faire place à l’histoire dans son projet de bière artisanale. En plus de faire référence à la route qui les a fait grandir, plusieurs bières portent le nom de membres de la famille Constantin, un touchant hommage à cette famille qui sait si bien recevoir!

Philippe Aubry, camionneur et historien, créateur du projet Histoire d’un Nord, une série de capsules vidéos sur l’histoire des Laurentides, Philippe Aubry est aussi camionneur dans la vie de tous les jours. En vulgarisant l’histoire, il a vite emprunté un chemin qui lui est familier : les transports ! Lancé sur cette voie, le projet Histoire d’un Nord souhaite combler un vide historiographique concernant les routes nationales du Québec. Survol de l’évolution des chemins dédiés aux automobiles.

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