Vous vous souvenez de la dernière fois que James Bond a pris une bière? Probablement pas. Le super espion dont tout le monde connaît le nom est surtout connu pour son martini au shaker, pas à la cuillère. Pour réussir à lui faire boire une gorgée de Heineken dans le film Skyfall, la compagnie a dû payer au studio la modique somme de 45 millions de dollars, ce qui en fait la gorgée de bière la plus chère de l’histoire.

La bière au cinéma : pas si simple que ça

Daniel Craig Publicité Heineken

Et c’est pour ça que vos méchants ne boivent pas de bière. Pas parce que James Bond charge cher de la pinte, mais parce que montrer une bière dans une grosse production hollywoodienne invoque des puissantes clauses contractuelles qui se chiffrent en millions de dollars.

Au cinéma, chaque petit détail montré à l’écran est souvent un choix réfléchi. Encore plus important, il va être perçu comme un choix réfléchi, et donc potentiellement associé à l’image d’une marque. Le détail de ces contrats est bien sûr un secret bien gardé, mais les retombées des grandes productions peuvent être énormes. Par exemple, on a estimé la valeur du placement de Corona dans la série populaire The Fast and the Furious à 15 milliards de dollars US.

Cela signifie que les compagnies de bière, comme d’autres entreprises, évaluent scrupuleusement le contexte dans lequel leur produit apparaît. Hollywood applique une règle bien connue : les « méchants » ne peuvent pas utiliser de produits Apple, afin d’éviter toute association négative à la marque.

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Ce qui est vrai pour Apple est aussi vrai pour la bière. De la même manière, une bière placée dans une scène violente, ou dans un film d’horreur, peut nuire à l’image de la brasserie concernée. Les compagnies demandent souvent à lire le scénario pour mesurer l’ampleur de la représentation et anticiper les répercussions potentielles.

Les marques veulent être associées à des héros, et encore là pas n’importe lesquels. Pensez à l’héroïque pose de Mark Wahlberg qui se cale un grosse Budweiser après un combat cataclysmique dans Transformers : Age of Extinction. C’est l’apothéose du héros américain : un gars comme vous et moi, plein de ressources, musclé comme un gladiateur et qui boit la bière du peuple après avoir atterri d’urgence à bord d’un vaisseau spacial pour échouer en plein dans le coeur d’un camion de Bud Light, créant une spectaculaire fontaine de bière.

Mark Walhberb boit une bud light après un aterissage brutal sur Terre dans le film Transformers : Age of Extinction
Mark Wahlberg boit une Bud Light après un aterissage brutal sur Terre dans le film Transformers : Age of Extinction

Dans un contexte de production plus modeste, comme celle d’un film indépendant, la question devient encore plus sensible. L’utilisation d’objets issus du décor domestique peut impliquer des logos et des étiquettes de brasseries locales. Pour obtenir leur accord, les réalisateurs doivent contacter directement les microbrasseries afin de négocier une forme de partenariat ou au moins une autorisation d’usage.

Or, ce processus peut se heurter à une résistance notable, notamment lorsque le projet appartient à un genre jugé « risqué » pour l’image de marque, comme l’horreur. Dans ce cas, les brasseries préfèrent souvent refuser toute association afin de protéger leur réputation.

Un millier de brasseries fictives

Pour éviter d’éventuelles complications légales et administratives, de nombreux départements artistiques choisissent une solution simple : créer des étiquettes fictives. Ces bières inventées imitent l’apparence de véritables produits sans reprendre les logos existants. Cela permet de conserver l’effet réaliste à l’écran tout en écartant les risques liés à l’utilisation d’une marque réelle.

Cette pratique est devenue courante, car elle libère la production de toute contrainte juridique, tout en évitant de longues démarches auprès des compagnies.

Essayez de trouver une vraie bière dans une production québécoise

La situation se complexifie davantage au Québec, où le cinéma repose largement sur des subventions gouvernementales. Ces aides sont accordées selon des critères stricts, et le placement de produits peut être perçu comme un facteur compromettant. En cas de représentation jugée problématique, une production pourrait même risquer de perdre une partie de son financement public.

C’est pourquoi les compagnies de bière hésitent souvent à s’engager dans ce type de promotion. Pour elles, les avantages potentiels d’un placement produit ne justifient pas les risques liés à l’image de marque ou aux contraintes réglementaires.


Le Temps d'une Bière Pierre-Olivier Bussières

Pierre-Olivier Bussières : chroniqueur pigiste et analyste de risque, Pierre s’intéresse aux marchés de l’alcool et aux technologies disruptives. Il a notamment écrit pour Global Risk Insights, the Diplomate, La Montagne des Dieux, Diplomatie, Reflets et Impact Campus.

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