C’est le mercredi 22 octobre qu’ouvrait officiellement la nouvelle succursale Brasseurs de la Capitale. Alliance stratégique entre Brasserie Alpha et la Brasserie Inox, le nouveau quartier général brassicole de Loretteville servira à la fois d’usine, de restaurant et de pub.

Les amateurs pourront savourer les bières des deux microbrasseries dès novembre. Le Temps d’une Bière est allé faire un tour à Québec pour rencontrer l’équipe.

Old School Meet New School

Un système, deux brasseries, c’est le pari que les deux partenaires ont fait en s’installant sous la même bannière à Loretteville. « Dans les deux cas, les deux brands vont coexister, me dit Jean Lampron, maître-brasseur chez Inox. Nos bières sont complémentaires puisqu’on fait des styles très différents. » Si Inox offre la palette complète, Brasserie Alpha s’est fait connaître avec une douzaine de grands vendeurs dans la catégorie IPA.

Brasserie Alpha IPA
La Brasserie Alpha se spécialise dans la IPA

David Martel, co-fondateur et responsable des ventes chez Brasserie Alpha, renchérit : « En tant que fan de l’Inox, moi ce que j’aimais c’est la variété des styles et la rigueur de leur exécution. »

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C’est aussi la rencontre entre deux mouvances. La brasserie Inox tient le titre de la plus vieille microbrasserie à Québec et la deuxième en province, avec plus de 38 ans de brassage. La microbrasserie s’était fait connaître sur ses bières rousses et blanches au vieux port de Québec avant d’emménager sur la Grande Allée, misant sur le fort achalandage de l’artère piétonnière.

En contraste, Brasserie Alpha a vu le jour en 2020, c’est-à-dire quelques instants avant la pandémie. Brasserie Alpha était à deux pas de l’Université Laval. La disparition des clients durant la pandémie a fait mal à la microbrasserie, qui a dû sacrifier son local.

Opérer dans ces conditions-là était tout un défi. « On ne pouvait pas simplement appeler un plombier ou un électricien : ils étaient tous réservés pour les besoins essentiels ». Pour la jeune brasserie, le nouveau projet de Lorretteville est donc un retour en marché.

Jean Lamron, maître-brasseur Inox
Jean Lampron, maître-brasseur chez Inox, rencontré par le Temps d’une Bière la veille de l’ouverture officielle de Brasseurs de la Capitale

Coopérer pour brasser dans un marché serré

Si les deux microbrasseries comptent préserver leurs lignes de bières distinctes, elles n’hésitent pas par contre à partager leurs forces pour innover. D’ailleurs, c’est le but de l’opération.

« C’est inévitable qu’on finisse par brasser mutuellement nos bières » songe Jean.

« Nous, ce qui nous passionne là-dedans, c’est le fait de pouvoir coopérer ensemble et de continuer à apprendre. Même si le marché se reserre, on est capable de téléphoner chez notre voisin pour emprunter 15 kilos de malt ».

La saint trinité du succès : expérience, restaurant et bonne bière

L’ouverture des Brasseurs de la Capitale arrive alors que les ventes de bières n’ont jamais été aussi basses, notamment chez les jeunes.

Chaque Québécois a bu en moyenne 193 verres de bière en 2023-2024, soit 36 de moins qu’il y a cinq ans, selon l’Institut national de santé publique du Québec. Les consommateurs se tournent vers d’autres produits comme les sodas alcoolisés, mais surtout, ils réduisent leur consommation d’alcool en général, en partie pour des raisons économiques. En parallèle, la vente totale de bière a reculé de près de 10 % depuis 2018, et la proportion d’adultes buvant au moins une fois par semaine est passée de 62 % à 54 % en cinq ans.

« La sainte trilogie, pour nous, dit David, c’est l’expérience, le restaurant et la bière ». Plusieurs microbrasseries ont mis les bouchées doubles sur la cuisine pour aller chercher les clients hors de la bière. Mais pour David, le plus important c’est l’expérience, ce mélange indicible d’atmosphère, de service-client et de bonne chère.

David Martel, co-fondateur et responsable marketing chez Brasserie Alpha
David Martel, co-fondateur et responsable marketing chez Brasserie Alpha

Pain liquide et des saveurs locales

Nous sommes mardi en après-midi et toute l’équipe a bûché toute la journée dans un marathon pour ouvrir officiellement dès le lendemain. Les gars sont brûlés mais fébriles. Le gros du travail est fait, mais il reste l’usine à partir. David et Phil estiment que ça prendra encore une semaine ou deux. On attend encore les permis de la ville.

Étienne Ouellet, brasseur chez Alpha, ressasse les multiples embûches du monde de la microbrasserie. Phil et Jean écoutent attentivement et hochent de la tête. C’est la pause bière. « C’est sûr que l’abolition des timbres a aidé, mais c’est de plus en plus dur d’aller chercher le consommateur. »

Avec plus de 20 microbrasseries à Québec, le marché de la bière artisanale est plus saturé que jamais. Ajoutez par-dessus ça les tarifs sur l’aluminium et vous vous retrouvez avec des marges de misère.

Il y a toujours le fameux release, culte de la nouveauté basé sur l’expérience de bières inusités, mais ce passage obligé reste un pari.

« À chaque jour, on se demande si ça vaut encore la peine de faire des releases. C’est sûr que ça stimule le consommateur parce que ça répond à sa demande de nouveauté. Mais il faut balancer ta production pour ne pas en faire trop et éviter le gaspillage. Quand tu fais une IPA, à cause de la cherté du houblon, il faut vraiment être confiant dans tes ventes ».

Tout d’un coup, c’est le silence. Puis un haussement d’épaule de Jean. Pour lui, il n’y a rien de nouveau sous le soleil. Le besoin de se démarquer a toujours fait partie de la game. Avec une bonne table, la synergie de deux équipes de brassage, un nouveau bâtiment bien situé, tout est possible. Et puis, ça n’est pas la motivation qui manque. « Tout le monde dans l’usine a commencé à brasser à la maison, animé par le désir d’une bonne bière qu’ils voulaient partager. »

« On fait à boire. C’est comme faire à manger. À chaque fois, on a hâte d’y goûter et on a hâte de la faire goûter ». Jean me donne l’exemple de bières collaboratives qui mettent l’accent sur la boréalité. Inox collabore avec les Épices du Guerrier pour infuser une blonde avec des arômes de sapin baumier, une spécialité bien appréciée en pub.

À partir de novembre, l’usine devrait officiellement entrer en fonction. En attendant , les amateurs pourront tout de même s’abreuver d’excellentes bières invitées, ouvert depuis le mercredi 22 octobre.


Le Temps d'une Bière Pierre-Olivier Bussières

Pierre-Olivier Bussières : chroniqueur pigiste et analyste de risque, Pierre s’intéresse aux marchés de l’alcool et aux technologies disruptives. Il a notamment écrit pour Global Risk Insights, the Diplomate, La Montagne des Dieux, Diplomatie, Reflets et Impact Campus.

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