La meilleure version de soi-même! N’est-ce pas ce que suggèrent tous les sites de croissance personnelle et les pages de motivation proposées par les médias sociaux? J’aime bien penser que l’on puisse appliquer la même règle aux bières de microbrasseries québécoises.
L’affinage ou l’affinage en barrique permet souvent de présenter une bière artisanale dans son profil le plus avantageux, en en soulignant, souvent, les saveurs caractéristiques et en offrant une expérience en bouche et aux papilles différente.
Qu’apporte le barriquage?
En anglais, on emploiera l’expression barrel aged beer pour évoquer une bière qui a achevé sa finition en fût ou en tonneau. À noter : ces tonneaux peuvent présenter des distinctions variables et conférer des notes boisées liées aux essences d’arbres mais aussi des notes alcoolisées liées, quant à elles, aux liqueurs et spiritueux ayant déjà été contenus dans ces barriques.
Voici donc un tour d’horizon de mes expérimentations barriquées!

TOURTIÈRE DU VERGER, Le Prospecteur
J’ai adoré déguster la Tourtière du Verger du Prospecteur. Vraiment. Il s’agit d’un assemblage collaboratif de 75% de Saison barriquée en fût de vin blanc et de 25% de moût de pomme du verger des Tourterelles. L’ensemble est frais, frétillant, frémissant et titre 5.7% On observe le caractère festif, jaune très doux; c’est comme si on servait des bulles acidulées.
Mon cerveau gourmand a tout de suite associé les notes vineuses et acidulées de cette bière à de la nourriture qui s’y accorderait à merveille tels les fromages crémeux et gras, les pâtés de campagne et fruits séchés ou même le homard et les fruits de mer. Le fût de vin blanc ici anoblit la légèreté du produit et le complexifie.

L’ANSE SAUVAGE, Ras L’Bock

Dans le même ordre d’idées et dans le plaisir de découvrir des bières acidulées légères, j’ai testé L’Anse sauvage de Ras L’Bock, inspirée des Rouges des Flandres.
Ici, nous avons affaire à une bière de fermentation mixte qui a séjourné plus d’un an dans des barils ayant contenu du Pinot des Charentes.
Les levures sauvages de ladite fermentation et les bactéries lactiques s’y activent allégrement, créant un tout unique, d’une acidité vivifiante. C’est le chêne rustique et solide, bien sur le boisé, qui rallie toutes ces saveurs flamboyantes.
RÉMANENCE, La Barberie
En addition, j’ai énormément apprécié le brassin sauvage Rémanence de la Barberie. Il s’agit encore d’une bière de type Rouge des Flandres et celle-ci a été additionnée de cerises griottes bien goûteuses, terreuses. Cet Assemblage sur griottes de bières inspirées des Rouges des Flandres affinées de 24 à 48 mois en barriques de Bordeaux m’a conquise.
Très acidulé, plein de caractère. Les parfums sont affirmés, puissants. On ne joue pas ici dans la subtilité mais dans la force. Le nectar est coloré, profond, vineux. C’est le contraste entre la vivacité criante des notes sures et la chaleur calme du Bordeaux qui m’a charmée. Il faut essayer cette opposition parfaitement maîtrisée.

SAISON MACÉRÉE, Le Castor
J’aime presque tout de la microbrasserie Le Castor de Rigaud. De la Yakima aux expérimentations houblonnesques et houblonnées, aux bières plus lourdes, etc. La Saison rayée avait été une révélation lors de sa sortie et au cours de mes dégustations, je me suis dit que d’essayer la Saison macérée serait une bonne idée, car j’apprécie le chardonnay. Les augures étaient bonnes, comme aurait dit ma grand-mère.
La Saison macérée est un Assemblage de Saisons élevée en fût de vin pendant deux ans, brièvement reposée sur marc de raisin du vignoble bio Les Pervenches, avant refermentation en bouteille. Elle titre 6.2% et s’y allient le meilleur de deux mondes : la fraîcheur caractéristique du vin blanc (cépages chardonnay et seyval), sa brillance, sa douceur et les caractéristiques d’une Saison à la belge, un peu épicée.


Nous ne sommes pas vraiment en barriques comme pour une bière barrel aged ici, mais l’affinement sur marc de raisin méritait d’être mentionné et ce type de conditionnement constitue l’une des grandes tendances actuelles de la microbrasserie québécoise, au sens heureux du terme.
ZLUTA, Tête d’Allumette
En terminant ce palmarès : une curiosité à laquelle j’ai goûté! C’était à la fois déroutant, savoureux, complexe et étrange. La Zluta est un assemblage à la Frankenstein, recousu de part en part : un assemblage de Saison barriquée 12 mois et de Saison jeune, beau colori caractéristique jaunâtre pâle, léger, petites bulles en surface.
La Zluta est à la fois florale, céréalière et boisée! Dans ses ingrédients figurent l’orge, le blé, bien sûr, et le riz, qui l’assouplit, du seigle et du maïs. En ressortent des parfums variés, sauvages, de cuir, de fruits à noyaux, de paille, de fleurs, d’amertume… arrondis et relevés par un séjour en fûts de chêne. Déroutant, je recommande pour l’expérience plutôt intense. Bonne distribution.

Une soif printanière?
Tout compte fait… Quelle expérience, encore une fois! J’ai laissé valser mes papilles à la découverte de ces bières affinées en barriques et je me suis rendue compte qu’au final, c’est avec les bières acidulées que je préfère ce type d’affinage! Le barriquage ajoute rondeur et complexité aux Porters et Stouts, et c’est génial! J’ai savouré de merveilleux Stouts et Porters bien rondouillets lors des longues et sombres soirées hivernales.
Ceci étant dit, je crois que, pour cette chronique, pour cette édition, j’avais plutôt soif de printemps, si vous me permettez l’expression. C’est en contemplant les couchers de soleil que j’ai senti les barriques s’exprimer à travers ces bières davantage acidulées et fruitées. Bonne dégustation et bonnes recherches des meilleures versions achevées de bières québécoises.

Paule Gosselin est collaboratrice à la revue Bière et Plaisir et auteur de la Fleur du Malt. Enthousiaste professeure de littérature, passionnée par la bière, ses ingrédients et sa fabrication artisanale, adore par-dessus tout partager son amour des excellents produits brassicoles par le biais de l’écriture.



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