Par Paule Gosselin
Quand on a soif d’une belle bière légèrement ambrée, délicate, fraîche – mais pas trop! (qui met de l’avant la céréale – mais pas trop) sans tomber dans la blanche ni dans la blonde – et non plus dans la rousse! – je saisis souvent, à ce moment, l’occasion de boire une lager viennoise! Dans la section « Voyage au centre de la bière – Des céréales de choix », les auteurs des Saveurs gastronomiques de la bière, Martin Thibault et David Lévesque Gendron parlent des malts, un ingrédient incontournable de la bière, et plus particulièrement des malts de base toastés, dont fait partie le malt Vienna. Ce malt, clé dans la lager viennoise, apporte des « flaveurs de douceur, de caramel, de pain, dont l’usage typique serait les bières de style allemand, des rouges et brunes des Flandres », aussi. Mais concentrons-nous aujourd’hui sur la Vienna lager.
De quelle manière décrire la lager viennoise? En commençant par ses notes de caramel douces dues à ses malts légèrement grillés. On y retrouve aussi des notes de houblon herbacé. En bouche, l’ensemble est frais et délicat, peu amer : on pourrait également mentionner des atomes crochus avec la Märzen, un peu plus forte et maltée plus « richement », cependant.
Et si l’on parle de lager viennoise, on parle ici aussi d’une lager, donc une bière de basse fermentation, qui offre un titrage peu élevé, autour des 5% généralement. La finale souhaitée, en bouche, serait idéalement sèche. Ce que j’aime particulièrement de la lager viennoise, c’est qu’elle est une ambrée sophistiquée – sans être compliquée -, élégante, facile d’approche. Bordée d’un mousseux col aérien blanc cassé tirant sur le beige, la lager viennoise ne sombre jamais dans l’excès ou le mauvais goût! Sa couleur est appétissante et ses parfums se révèlent dès qu’on franchit ce col moussant généreux. Elle est limpide, cuivrée, plutôt mince, sans lourdeur mais réconfortante. Mais c’est que mademoiselle est complexe! Quelques rappels avoisinants la brioche, les épices, aussi, se remarquent.

Ainsi, on s’écarte : on prend une tangente différente des bières anglaises plutôt amères qui avaient la cote à l’époque; avec une proposition différente, nouvelle, la Vienna lager se distingue des brunes d’Angleterre! Elle a une rondeur agréable, apportée par le malt Vienna. Elle s’écarte en tout temps d’une torréfaction exagérée des malts, trop ambitieuse, qui ruinerait l’équilibre en bouche. Au Québec, les micros Mille-Îles, Siboire, 5e baron, Dieu du Ciel! et Messorem – oui oui! – en brassent d’excellentes.
Ma préférée, une révélation!, est Il fut un temps : Boule de cristal, de la brasserie Messorem Bracitorium. Son taux d’alcool : 5.3% On n’en retrouve pas énormément, des Vienna lager, sur le marché québécois. C’est pourtant un style que j’affectionne particulièrement et j’ai été ici curieuse de tester celle produite par Messorem, dont l’expertise ayant fait sa renommée se retrouve d’habitude davantage du côté des bombes houblonnées. Brassée à Montréal, la Il fut un temps : Boule de cristal est offerte en 473 ml. Dès l’ouverture, sa mousse tissée densément s’exprime par l’ouverture du récipient d’alu. Je m’en verse un verre et le col est généreux. Sa couleur est d’un jaune orangé doux translucide. Au nez, c’est tout joyeux, frais et sucré un brin à la fois. J’entrevois presque (presque) un nez de cannelle; peut-être ai-je une imagination débridée, aussi. Qui sait. En bouche, c’est d’une amertume très estompée, presque végétale. Un vague souvenir de miel. Des notes de bonbon au miel, très très douces, qui durent. L’ensemble est harmonieux et bien équilibré. J’aime beaucoup. On sent les céréales aussi, en arrière-plan. Au sens noble du terme. J’aime beaucoup quand Messorem se commet dans les bières de basse fermentation, c’est très réussi et définitivement agréable en bouche. Les Vienna lager expriment vraiment l’art de se la couler douce!
Par Paule Gosselin
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