La médecine sacrée de l’Antiquité et l’autoroute des résines

Lorsqu’on visite la ville de Petra, en Jordanie, on ne peut s’empêcher de se poser la question suivante : comment une ville au milieu du désert, dans l’un des pays les plus arides au monde, a réussi à se construire un empire régional, et nourrir près de 40,000 personnes? Petra, centre patrimonial protégé sous l’UNESCO, regorge de vestiges de citernes, de barrages et de canalisations, témoignage d’une antique prospérité inégalée dans la région. Qu’est-ce qui explique cette extraordinaire essor : L’autoroute de l’encens. Plus particulièrement, le commerce de résines du sud de la péninsule vers la Méditerranée.

Petra, Jordanie

Les résines ont joué un rôle important dans l’histoire de l’humanité, en particulier dans l’Antiquité. Dans cet article, nous allons explorer le rôle de trois résines spécifiques : la myrrhe, l’encens et le térébinthe, en mettant l’accent sur leurs rôles médicinaux, économiques et religieux.

La myrrhe est une résine aromatique extraite d’un arbre appelé Commiphora myrrha, qui pousse dans les régions de la Corne de l’Afrique et de la péninsule arabique. Dans l’Antiquité, la myrrhe était considérée comme un remède précieux contre de nombreux maux, notamment les infections, les douleurs articulaires et les maladies respiratoires. Elle était également utilisée pour préparer des parfums et des cosmétiques, ainsi que pour embaumer les morts.

L’encens, quant à lui, est une résine produite par l’arbre Boswellia, qui pousse principalement en Inde et en Afrique de l’Est. Dans l’Antiquité, l’encens était très apprécié pour son parfum doux et agréable et était souvent brûlé lors des cérémonies religieuses. Il était également utilisé pour ses propriétés médicinales, notamment pour traiter l’asthme, les rhumatismes et les maladies de peau.

Hérodote, historien grec du Ve siècle avant J.-C., décrit l’utilisation de la myrrhe et de l’encens dans les pratiques funéraires égyptiennes, où ils étaient brûlés pour parfumer les corps embaumés. Pline l’Ancien, naturaliste romain du premier siècle de notre ère, décrit l’utilisation de la myrrhe et de l’encens dans la médecine romaine, où ils étaient utilisés pour traiter diverses affections, notamment les douleurs articulaires et les maladies respiratoires.

Enfin, le térébinthe est une résine produite par l’arbre Pistacia terebinthus, qui pousse principalement dans la région méditerranéenne. Dans l’Antiquité, le térébinthe était utilisé pour ses propriétés médicinales, notamment pour traiter les infections et les douleurs articulaires. Il était également utilisé pour préparer des teintures et des laques.

En outre, ces résines ont également joué un rôle important dans les pratiques religieuses anciennes. Par exemple, l’encens était souvent brûlé lors de cérémonies religieuses dans les cultures du Moyen-Orient et de la Méditerranée. De même, la myrrhe était considérée comme un élément essentiel des rites funéraires dans l’Égypte ancienne.

Ce n’est pas un hasard si les trois rois mages de l’Évangile de Matthieu apportent de la myrrhe et de l’encens. L’or, troisième cadeau offert à l’enfant Jésus dans la tradition, est en effet moins précieux que la myrrhe. Les historiens ont tenté d’expliquer l’importance de la légende des trois rois mages dans la symbolique chrétienne de l’onction : l’encens pour le caractère ecclésiastique de la mission divine, l’or pour la royauté et la myrrhe pour le sacrifice.

Si l’or est presque universellement associé à la royauté en tant que symbole de pureté, la myrrhe nécessite un peu plus de contexte : ingrédient clé de la momification, la myrrhe est directement associée à la mort et à l’oubli. Ainsi, les Égyptiens voyaient dans cette résine les larmes d’Horus tombées au pays de Pount, ou l’énigmatique reine égyptienne Hatchepsout envoya une grande expédition pour ramener les arbustes en Égypte.

Il est intéressant de noter que ces résines étaient souvent associées à des boissons alcoolisées, en particulier à des vins épicés, dans les cultures du Moyen-Orient. Par exemple, dans la Perse antique, une boisson appelée “sharbat” était préparée en mélangeant du vin rouge avec de la myrrhe et d’autres épices. De même, dans la Grèce antique, le vin était souvent aromatisé avec de l’encens ou de la myrrhe pour en améliorer le goût.

La route de l’encens, également connue sous le nom de route de l’encens, était un système de routes commerciales qui reliait le monde méditerranéen au sous-continent indien via la péninsule arabique. Le commerce de l’encens, utilisé à des fins religieuses et médicinales, était un élément clé de cette route. La route de l’encens s’étendait de la partie méridionale de la péninsule arabique, en passant par les ports de la mer Rouge de l’actuel Yémen et d’Oman, jusqu’au Levant, en direction de la Méditerranée.

Sources

  1. The Incense Route: A Cultural Route of the Council of Europe (2007) by the Council of Europe
  2. The Spice Route: A History by John Keay (2005)
  3. Arabian Gulf Economies in Historical Perspective edited by B.R. Pridham (1990)
  4. The Incense Trade Route Revisited by Barbara G. Aston (2000)
  5. India and the Silk Road by Liu Xinru (2019)
  6. The Archaeology of Incense: Avenues of Trade, from Ancient to Modern Times edited by D.T. Potts and R.A. Pickles (2008)
  7. The Silk Road: A New History by Valerie Hansen (2012)
  8. The Incense Trade and its Routes in the Southern Red Sea Area by Julien Aliquot (2003)
  9. Commerce, Culture, and Conflict: The Arab Presence in the Indian Ocean and the Mediterranean World before 1500 by G.R. Tibbetts (1993)
  10. The Role of Incense in the Roman World by Alison Cooley (2007)

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