Gabriel Côté /// Ad Medievum Aeternum
Jacques LeGoff écrivait : « La fin du VIe siècle constitue pour la Gaule une période charnière, entre une longue Antiquité tardive et les prémices du Moyen Âge » Eh bien, la vie de la reine Brunehaut illustre pleinement les possibilités ouvertes aux femmes dans ce moment de transition entre deux civilisations.
Brunehaut, née en 543 en Espagne wisigothique, est la fille d’Athanagild, roi des Wisigoths. Elle fut mariée à Sigebert 1er, petit-fils de Clovis, qui régnait sur l’Austrasie, dans le but de créer un lien entre les Francs et les Wisigoths. Dans la même période, sa sœur Galswinthe épouse Chilpéric 1er roi de Neustrie. Petit souci: ce dernier va cependant s’empresser d’ assassiner sa douce sous l’influence d’une concubine nommée Frédégonde.
Brunehaut, suite à la mort de sa sœur, exigea une vengeance qui va plonger les deux royaumes dans un conflit d’environ 50 ans.
Que fait-elle? Elle convainc son mari Sigebert d’entrer en guerre contre Chilpéric, exigeant le corps de la défunte sœur de Brunehaut et les 5 titres qu’elle possédait. Tournai sera assiégé en 575, mais Chilpéric fera assassiner Sigebert, rendant Brunehaut veuve. Cette dernière sera capturée peu après la mort de son mari et sera retenue prisonnière à Rouen.
Cependant, avec habileté, elle arrivera à semer la discorde dans la famille des vainqueurs en épousant un des fils de Chilpéric, Mérovée. Le père de Mérovée, qui voit là-dedans de la haute trahison, fait naturellement tonsurer son fils. C’est une honte sans nom à l’époque pour un Mérovingien car la force et l’autorité se concrétise par la “Mund” (Pouvoir mythique du roi qui se retrouve dans la chevelure). Il sera ensuite assassiné.
Brunehaut profite de la situation pour s’enfuir et retourne en Austrasie. Elle s’impose comme régente pour son fils trop jeune, Childebert II. Brunehaut commence ainsi à être reconnue comme une femme d’ambition et ses prouesses politiques fournissent la preuve d’un impeccable instinct de survie et d’un grand talent stratégique. Avec le mariage de sa fille à un prince wisigoth, elle renoue les liens avec l’Espagne, profite de l’assassinat de son rival Chilpéric en 584 pour prendre des possessions en Neustrie, crée un arrangement avec son beau-frère Gontran pour que son fils devienne héritier de la Burgondie, un désir de reconstitution de l’état à l’image de Rome, la création de chaussé connu sous le nom de Chaussé de Brunehaut (nous ne sommes pas absolument certains de cette information encore aujourd’hui), une grande correspondance avec le Pape Grégoire le Grand et une habilité pour la fiscalité. Cependant, une femme d’une telle ambition dérange beaucoup dans le monde mérovingien.
Plusieurs nobles vont refuser de lui obéir sous prétexte qu’elle est une femme et iront même jusqu’à la menacer de mort ! Un affront que la femme d’état ne pardonnera jamais ! Elle fera amender la loi salique à travers le décret de son jeune fils Childebert pour rehausser le statut de la femme. En outre, elle va faire valoir le consentement d’une femme en son mariage, celle-ci ne peut être mariée contre son gré. De plus, elle va donner le pouvoir de transmettre la lignée familiale, un privilège qui était réservé aux hommes uniquement.
Childebert II va mourir en 595, Llaissant ainsi Brunehaut avec ces 2 petits-fils Thierry II et Théodebert II. Puisqu’ils sont trop jeunes pour régner, elle entame une deuxième régence qui la fait régner sur toute la Gaule du sud-est et de l’est.
Cela dit, la fin de règne approche, une fin tragique. La régente Mérovingienne sera exécutée en 614 à l’âge de 66 ans, accusée du meurtre de nombreux rois. Sous l’ordre de Clotaire II roi de Neustrie. Elle fut condamnée à 3 jours de torture puis à l’écartèlement. C’est dire à quel point l’époque était sans pitié pour les femmes (et les hommes) de pouvoir tombés dans la disgrâce des plus puissants!
Tu veux en savoir plus sur cette femme extraordinaire ainsi que Frédégonde ? Je t’invite à mon balado Ad Medievum Aeternum l’épisode 20 – La faide des louves.