La légendaire boisson du roi Midas remise au goût du jour 🍺🍻

Dans une soirée dédiée au fameux commentateur de la bière Michael Jackston (pas le chanteur!) en 2000, le biochimiste archéologique Patrick McGovern a lancé un drôle de défi à ses amis brassicoles. Basé sur des traces de boisson anciennes trouvées dans le tombeau possible du roi Midas en Turquie centrale datan de 2700 ans, il a invité les brasseurs de la salle à essayer de récréer la bière du bon vieux souverain dans leur propre laboratoire brassicole.

McGovern ne s’attendait vraisemblablement pas à ce qu’on le prenne autant au sérieux. Dès le lendemain matin, plus d’une demi douzaine de brasseurs l’attendent de pied ferme à son bureau pour en savoir plus sur les résidus de la recette plusieurs fois millénaires. La compétition pour redorer le blason brassicole de l’Antiquité est lancé.

Mais d’ou est-ce que tout ça a bien pu venir?

Tout commence par un roi légendaire, cet homme dont la légende dit qu’il tournait en or tout ce qu’il touchait. Légendaire roi de Phrygie, Midas aurait été complètement obsédé par la richesse. Selon une version bien répandue du mythe, Dionysos – dieu des vins et de la folie – aurait récompensé Midas durant un party en lui offrant le cadeau de son choix. Dans son obsession sans fin, Midas demanda que tout ce qu’il touche devint or. Le pauvre Midas, aveugle aux conséquences de son nouveau pouvoir, eut tôt fait de tourner ses enfants en statue, ses repas en décorations kitsch, et son vin en fontaine d’or. Affolé par son idiotie, il implora Dionysos de le libérer de son fardeau. Sous les instructions gracieuses mais sûrement bien amusées du Dieu de la folie, Midas se jeta dans les eaux du fleuve Pactole et fut ainsi libéré. Dans une autre version des faits, celle-là relatée par Aristote, Midas serait tout simplement mort de soif, incapable de boire quoi que ce soit. L’histoire, dans toutes ses variations, nous avertit des excès de l’obsession aveugle.

On ne sait plus trop qui est ce fameux roi Midas, sinon qu’il serait le fils du fondateur du royaume de Phyrigie, Gordias. Peut-être aurait-il vécu au huitième siècle avant J.C. Quoi qu’il en soit, le royaume le royaume de Phyrigie, lui, n’aura pas fait long feu. Conquis par les Cimmériens, il fera bientôt place au royaume de Lydie. Cette même Lydie ou régna le roi Crésus, qui nous donna l’expression “être riche comme Crésus. ” Inutile de dire que cette région de la Turquie centrale était connue pour son or.

Or, c’est là-bas, au site archéologique de Gordion, qu’on croit avoir trouvé le tombeau de Midas. Soit lui, son père ou un personnage éminent important de leur dynastie. C’est encore nébuleux, mais on sait par contre que la tombe a été le lieu d’un grand rassemblement funéraire. On a retrouvé un amoncellement d’os d’animaux vraisemblablement sacrifiés et dévorés pour l’occasion. En puis, évidemment, on a trouvé les de traces de breuvages alcoolisés.

Le tombeau n’a, hélas, pas laissé de recette pour les generations futures de brasseurs. Par contre, les progrès de l’analyse chimique des trois dernières décennies permettent de faire des estimations assez précises de leur contenu organique. McGovern, qui est aujourd’hui Directeur scientifique pour le projet de l’archéologie biomoléculaire de la cuisine et des produits fermenté au Musée de l’Université de Pennsylvanie, a eu recours à la spectrométrie de masse et la chromatographie au gaz, deux instruments d’analyse hyper puissants permettant d’identifier des composés chimiques grâce à la mesure de leur masse.

Ce que l’analyse a révélé a de quoi désarçonner bien des buveurs modernes. Les pots de ce banquet funéraire contenaient non seulement des traces d’acide tarctique, un indicateur biochimique du vin, mais aussi de l’oxalate de calcium, qui est le résidu par excellence du brassage de la bière. Ce qui veut dire que le breuvage intense de ce banquet aurait été un mélange de bière et de vin. Mais il y a plus. L’analyse chimique a aussi identifié des restants de cire d’abeille, ce qui d’indique pas seulement la présence probable d’hydromel – fait à partir de miel – mais d’un hydromel à forte teneur en alcool.

Étonnant pour l’amateur de IPA, mais pas tant que ça pour notre ancêtre d’il y a quatre mille ans. Pourquoi? Parce que le miel est la source la plus riche en sucre fermentable disponible dans la nature. Qui plus est, la levure nécessaire à leur conversation est déjà dedans! Certains miels, par exemple, sont à ce point turbochargés de sucre qu’ils peuvent facilement produire un alcool en volume d’alcool de 12%.

Le mélange de bière, vin et miel dans un cocktail haut en saveur a aussi été reperé à Jihahu, en Chine, dans un tombeau datant de douze mille ans. Une concoction similaire, celle-là dans les îles Oarkney, en Écosse, aurait été trouvée dans un petit village datant de plusieurs milliers d’années. En plus des trois suspects mentionnés plus haut, on aurait trouvé du jusquiame, de l’armoise et de la cigue, des herbes aux fortes propriétés narcotiques.

Mais ce qui distingue la touche de Midas, c’est son association avec le pouvoir, la richesse et le mystère du roi Midas. Les pots dans lesquels aurait été servie cette boisson extrême (expression de McGovern) auraient été eux mêmes recouverts de cuivre alors que la boisson elle-même, du fait de sa haute teneur en miel, auraient eu une apparence dorée.

Pour retourner au défi lancé par McGovern, la Brasserie Dogfish a définitivement redorer le blason de la bière ancienne avec sa “Touche de Midas”, une bière à 9% avec des notes e safran et de miel. Attendez-vous à une petite effluve de Chardonay. Un goût surprenant qui n’a pas manqué de faire boule de neige. En effet, les découvertes de bières antiques sont devenue une véritable tendance aux États-Unis et au Canada, avec de plus en plus de brasseurs désireux de retourner aux sources en expérimentant avec des recettes traditionelles, des aliments locales, et des levures préservées à l’ancienne.

POB

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